Depuis plus d’un quart de siècle, les conservateurs du Parti populaire ont
fait de la région de Madrid leur vitrine. Un fief solide, malgré les scandales
de corruption. Pourtant, la victoire d’Isabel Ayuso aux élections
régionales relève d’un autre registre. Elle symbolise le virage idéologique de
cette formation, sa nette droitisation. Certains rétorqueront que Madrid n’est
pas l’Espagne. Il n’empêche, ce scrutin bouscule l’échiquier politique, en le
faisant basculer du côté de l’extrême droite. Les nostalgiques du franquisme,
qui sévissaient déjà dans les rangs de la droite, ont gagné la partie. Du
moins, pour l’instant. Les néofascistes de Vox, qui seront un solide point
d’appui pour la future présidente de la région, s’en trouvent confortés. Ils
jubilent, tissent leur toile.
Il faut regarder les ressorts de ce résultat. « Communisme ou liberté
! » a martelé Ayuso durant sa campagne. Ce slogan, pourtant suranné, s’est
imposé dans un climat de diabolisation de la gauche, accusée de tous les maux.
À la manière d’un Trump ou d’un Bolsonaro, la candidate a joué la carte de la
polarisation au détriment des faits, des idées. Galvanisée par les médias
dominants qui lui ont tendu micros et caméras, Ayuso a capté les déçus du
gouvernement de la coalition de gauche de Pedro Sanchez : elle a capitalisé sur
le ras-le-bol de la pandémie. Le bilan social de la présidente, sa gestion
calamiteuse de la crise sanitaire, ses attaques contre les services publics ont
été tus. Pour mieux ouvrir les vannes des fantasmes, des peurs, des
frustrations et de la haine. Personne ne doit se réjouir d’un tel degré de
putréfaction de la politique.
La gauche est dos au
mur. Ses scores décevants sont un avertissement pour l’exécutif. Le retrait de
la vie politique du leader de Podemos, Pablo Iglesias, change la donne. Il
mérite que l’on s’y arrête : voilà sept ans qu’il est la cible de tombereaux
d’injures, victime de harcèlement jusque devant son domicile. Les grands médias
en ont fait une bête à abattre. Cette balle accompagnant une lettre de menaces
de mort, qu’il a reçue pendant la campagne, a précipité son choix. Lorsqu’il
n’y a plus de filtre, lorsque les cris et les mensonges couvrent la pensée,
alors c’est la démocratie qui est en danger.
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