vendredi 7 mai 2021

Pourquoi la levée des brevets aiderait à produire plus et mieux.



Trop complexes à faire, les vaccins à ARN messager ? Big Pharma le serine depuis des mois, mais sa propagande prend l’eau quand les capacités de production inexploitées existent dans le monde entier.

L’information est passée largement sous les radars : en avril, alors que Moderna s’inquiétait de ne pas atteindre ses objectifs, son principal sous-traitant, le groupe suisse Lonza, chargé de la fabrication du principe actif de son vaccin, a lancé un appel général pour trouver la main-d’œuvre manquante, et la multinationale Nestlé a alors proposé de prêter du personnel pendant quelques mois… « Pour récapituler, suggère Zain Rizvi, un activiste de l’ONG américaine Public Citizen, l’industrie pharmaceutique estime que la technologie pour les vaccins à ARN messager est trop complexe pour pouvoir être partagée avec les producteurs des pays en voie de développement qui pourraient aider à vacciner le monde entier… Mais qu’elle peut, en revanche, la partager avec les gars qui font le Nesquik, c’est ça ? » Cruelle et un poil outrancière – ce sont des techniciens d’un centre de recherche du géant agroalimentaire qui sont visés –, la saillie est toutefois loin d’être absurde…

Des ressources potentielles en Corée du Sud, au Nigeria, en Égypte, au Sénégal, en Tunisie…

Contrairement aux arguments déployés par Big Pharma et relayés depuis des mois par ses perroquets (lire en pages 4 et 5), la levée des brevets sur les vaccins, sur les médicaments et toutes les technologies utiles pour vaincre le Covid-19 changerait la donne. Albert Bourla, le PDG de Pfizer, confortablement calé sur ses perspectives mirifiques de profits – eux-mêmes assurés par la captation privée des recherches souvent publiques, au départ, via le régime de propriété intellectuelle –, peut bien prétendre que cela n’apporterait rien, il est pourtant démenti par ses propres partenaires. Dans leur communication d’entreprise, les Allemands de BioNTech vantent la « simplicité » de production des vaccins à ARN messager, qui peuvent être « standardisés » très rapidement. Preuve ultime dans la chronologie : il n’a fallu, grâce aux investissements publics massifs aux États-Unis et dans l’Union européenne (UE), que quelques mois pour bâtir des chaînes de production permettant d’industrialiser une technologie qui n’était jusque-là utilisée qu’en quantité très limitée. Autre artifice rhétorique mis en avant par les défenseurs des brevets : Moderna aurait mis à disposition le brevet de son vaccin, mais personne n’aurait saisi cette opportunité, faute de capacités de production. D’un point de vue factuel, c’est rigoureusement faux. À l’automne 2020, la start-up américaine a juste évoqué un engagement de ne pas attaquer une utilisation ailleurs dans le monde, mais elle n’a strictement rien rendu public de ses « secrets de cuisine ». Surtout, alors que plusieurs dizaines, voire des centaines, de brevets peuvent couvrir un seul et unique vaccin, elle a pris cette position car elle était elle-même en difficulté aux États-Unis, où d’autres acteurs revendiquaient la propriété de certaines de ses « découvertes »…

En réalité, une fois aplanis les obstacles dressés par les brevets en travers du bien commun, il est possible de produire plus et mieux. Au-delà des partenariats conclus sous l’égide des États-Unis et de l’UE entre quelques multinationales (comme Pfizer, Johnson & Johnson, Merck, Sanofi ou Novartis), plusieurs grandes entreprises des pays les plus riches font des offres de services depuis des mois, mais la plupart se désolent de les voir ignorées : c’est le cas de l’israélien Teva, du canadien Biolyse, du danois Bavarian Nordic… Dans le reste du monde, d’autres gisements inexploités existent, comme en Inde, mais aussi en Corée du Sud, au Pakistan et au Bangladesh.

Pas plus tard que la semaine dernière, un des responsables de l’Organisation mondiale de la santé décomptait toujours une cinquantaine de « marques d’intérêt » de producteurs du monde entier. Même en Afrique, des ressources potentielles apparaissent. Le Centre africain de prévention et de contrôle des maladies en a recensé plus d’une dizaine en Afrique du Sud, au Nigeria, en Égypte, en Éthiopie, au Sénégal, en Tunisie, en Algérie, au Ghana ou encore au Rwanda. Les mettre à contribution grâce à des financements internationaux et à des transferts de technologies permettrait de sortir un continent de sa dépendance – aujourd’hui, 99 % des vaccins sont importés – et tracer les contours d’un nouveau monde, à la fois plus juste et plus efficace, contre cette pandémie, comme les suivantes…

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire