Trop complexes à faire,
les vaccins à ARN messager ? Big Pharma le serine depuis des mois, mais sa
propagande prend l’eau quand les capacités de production inexploitées existent
dans le monde entier.
L’information est passée largement sous les radars : en avril, alors que
Moderna s’inquiétait de ne pas atteindre ses objectifs, son principal
sous-traitant, le groupe suisse Lonza, chargé de la fabrication du principe
actif de son vaccin, a lancé un appel général pour trouver la main-d’œuvre
manquante, et la multinationale Nestlé a alors proposé de prêter du personnel
pendant quelques mois… « Pour récapituler, suggère Zain Rizvi,
un activiste de l’ONG américaine Public Citizen, l’industrie
pharmaceutique estime que la technologie pour les vaccins à ARN messager est
trop complexe pour pouvoir être partagée avec les producteurs des pays en voie
de développement qui pourraient aider à vacciner le monde entier… Mais qu’elle
peut, en revanche, la partager avec les gars qui font le Nesquik, c’est
ça ? » Cruelle et un poil outrancière – ce sont des techniciens
d’un centre de recherche du géant agroalimentaire qui sont visés –, la
saillie est toutefois loin d’être absurde…
Des ressources potentielles en Corée du Sud, au Nigeria, en Égypte, au
Sénégal, en Tunisie…
Contrairement aux arguments déployés par Big Pharma et relayés depuis des
mois par ses perroquets (lire en pages 4 et 5), la levée des brevets
sur les vaccins, sur les médicaments et toutes les technologies utiles pour
vaincre le Covid-19 changerait la donne. Albert Bourla, le PDG de Pfizer,
confortablement calé sur ses perspectives mirifiques de profits
– eux-mêmes assurés par la captation privée des recherches souvent
publiques, au départ, via le régime de propriété intellectuelle –, peut
bien prétendre que cela n’apporterait rien, il est pourtant démenti par ses
propres partenaires. Dans leur communication d’entreprise, les Allemands de
BioNTech vantent la « simplicité » de production des vaccins à
ARN messager, qui peuvent être « standardisés » très
rapidement. Preuve ultime dans la chronologie : il n’a fallu, grâce aux
investissements publics massifs aux États-Unis et dans l’Union européenne (UE),
que quelques mois pour bâtir des chaînes de production permettant
d’industrialiser une technologie qui n’était jusque-là utilisée qu’en quantité
très limitée. Autre artifice rhétorique mis en avant par les défenseurs des
brevets : Moderna aurait mis à disposition le brevet de son vaccin, mais
personne n’aurait saisi cette opportunité, faute de capacités de production.
D’un point de vue factuel, c’est rigoureusement faux. À l’automne 2020, la
start-up américaine a juste évoqué un engagement de ne pas attaquer une
utilisation ailleurs dans le monde, mais elle n’a strictement rien rendu public
de ses « secrets de cuisine ». Surtout, alors que plusieurs dizaines, voire des
centaines, de brevets peuvent couvrir un seul et unique vaccin, elle a pris
cette position car elle était elle-même en difficulté aux États-Unis, où
d’autres acteurs revendiquaient la propriété de certaines de ses
« découvertes »…
En réalité, une fois aplanis les obstacles dressés par les brevets en
travers du bien commun, il est possible de produire plus et mieux. Au-delà des
partenariats conclus sous l’égide des États-Unis et de l’UE entre quelques
multinationales (comme Pfizer, Johnson & Johnson, Merck, Sanofi ou
Novartis), plusieurs grandes entreprises des pays les plus riches font des
offres de services depuis des mois, mais la plupart se désolent de les voir
ignorées : c’est le cas de l’israélien Teva, du canadien Biolyse, du danois Bavarian
Nordic… Dans le reste du monde, d’autres gisements inexploités existent, comme
en Inde, mais aussi en Corée du Sud, au Pakistan et au Bangladesh.
Pas plus tard que la
semaine dernière, un des responsables de l’Organisation mondiale de la santé
décomptait toujours une cinquantaine de « marques d’intérêt » de
producteurs du monde entier. Même en Afrique, des ressources potentielles
apparaissent. Le Centre africain de prévention et de contrôle des maladies en a
recensé plus d’une dizaine en Afrique du Sud, au Nigeria, en Égypte, en
Éthiopie, au Sénégal, en Tunisie, en Algérie, au Ghana ou encore au Rwanda. Les
mettre à contribution grâce à des financements internationaux et à des
transferts de technologies permettrait de sortir un continent de sa dépendance
– aujourd’hui, 99 % des vaccins sont importés – et tracer les
contours d’un nouveau monde, à la fois plus juste et plus efficace, contre
cette pandémie, comme les suivantes…
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