Le député du Nord et
secrétaire national du PCF a été désigné à 82,36% par les adhérents du PCF
pour être le candidat communiste à l’élection présidentielle. Il assure
qu’il sera le candidat du monde du travail et de la jeunesse, en remettant les
urgences sociales au cœur du débat. PORTRAIT.
« L a France ne manque pas de moyens, loin de là. Mais
ils ne profitent qu’à une minorité. Une infime minorité qui prospère
insolemment. Ce sont eux les véritables assistés de la République ! » En
quelques mots, devant un congrès qui vient de l’élire à la tête du PCF, Fabien
Roussel désigne la cible. On est en novembre 2018, Emmanuel Macron s’apprête à
entériner un nouveau « budget des riches », les gilets jaunes frappent à la
porte et les blouses blanches crient déjà leur désarroi. Trois ans et une
pandémie plus tard, les communistes ont à nouveau voté, et leur secrétaire
national a désormais un nouveau défi à relever : se lancer dans la course à l’Élysée.
Il fallait un nouveau
visage pour porter notre message, un langage qui imprègne. »ANDRÉ CHASSAIGNE, DÉPUTÉ PCF
« Il fallait un nouveau visage pour porter notre message, un
langage qui imprègne », raconte le député André
Chassaigne, qui figure parmi ceux qui ont soutenu dès le départ sa candidature.
À l’heure d’entamer la campagne, le principal intéressé jure ne pas y avoir
pensé tous les matins en se rasant : « On ne décide pas d’être candidat
à la présidentielle, c’est un cheminement au fil des rencontres », assure-t-il.
S’il relève le gant, déterminé à « aller jusqu’au bout », c’est
pour « redonner espoir » à tous ceux qu’il a vus dans
son « tour de France des entreprises », entamé voilà deux
ans. « L’énergie, je la trouve dans les témoignages que je recueille,
dans les coups de colère que j’entends. Le dernier qui m’a saisi, c’est à
Caudan, à la Fonderie de Bretagne. »
Porte-parole de la France qui souffre
Là, les salariés, qui fabriquent des pièces pour Renault, lui expliquent
les sacrifices consentis et, à la fin, « l’actionnaire qui les
jette quand même comme des Kleenex ». Une injustice qui prend aux
tripes. Alors, le désormais candidat se rêve en porte-parole de cette France
qui souffre. « Chaque fois que je suis sur un plateau, ce
sont leurs visages que j’ai constamment dans la tête, confie-t-il. Je
veux qu’ils retrouvent une utilité à voter pour eux. » Il
s’agit, défend-il, de « mettre sur le podium des idées de
la campagne : le salaire, la relocalisation, l’industrie, nos services publics,
la jeunesse, la lutte contre les inégalités, l’évasion fiscale… » Et,
au passage, de démasquer l’imposture de l’extrême droite : « Pour taper
sur le gouvernement, les gens veulent utiliser le bâton le plus efficace,
aujourd’hui c’est le RN. Mais ça leur rapporte quoi ? Le
drame, c’est qu’en le mettant à un aussi haut niveau, non seulement il n’y
a pas de conquêtes sociales, mais en plus, ça crée de la division, des
tensions, de la haine, du racisme. Ça affaiblit le peuple. C’est un poison
mortel », martèle le député du Nord.
Lire aussi : Les communistes veulent bâtir les « Jours heureux du
XXIe siècle »
Une rage de vaincre les inégalités
« La droite et l’extrême droite étouffent les questions sociales,
alors qu’une désindustrialisation massive est en train de se mettre
en place sous prétexte du Covid, abonde Laurent Brun. Les
patrons de l’industrie peuvent tranquillement annoncer qu’ils vont supprimer
100 000 emplois. Avoir une candidature qui axe là-dessus la campagne, ça
redonne de la visibilité. » Selon le secrétaire général
de la CGT cheminots, possède, pour cela, un atout dans la manche : « “On
a l’impression d’avoir quelqu’un comme nous en face”, c’est ce que m’ont dit
les grévistes, après une rencontre avec lui lors de la mobilisation contre la
réforme des retraites. »
Fabien est de toutes
les luttes, c’est un homme de terrain.» ALAIN BOCQUET, ANCIEN DÉPUTÉ PCF
Né en 1969 à Béthune, avant de suivre son père, correspondant pour l’Humanité, deux
ans au Vietnam, puis de rejoindre sa mère pour finir le lycée à Champigny,
c’est aussi des Hauts-de-France que le président du groupe GDR, André
Chassaigne, l’a vu débarquer et « foncer tête baissée » à
l’Assemblée nationale en 2017.
Et c’est déjà à Saint-Amand-les-Eaux, où il succède à Alain Bocquet comme
député, qu’il est élu pour la première fois comme conseiller municipal, en
2014. Il est alors secrétaire de la fédération du Nord du PCF. De ce territoire, il
tire une rage de vaincre les inégalités. « Quand je vois ce que les
travailleurs chez moi ont pu donner au pays et qu’aujourd’hui on a une
surmortalité du fait du désengagement de l’État… Je voudrais porter une
République qui respecte tous ses territoires, tous ses habitants. » « Déjà
en 2018, on a organisé une marche des Hauts-de-France vers l’Élysée pour mettre
un coup de projecteur sur ces inégalités », se souvient Karine
Trottein, qui lui a succédé à la fédération du Nord.
Avant ça, le communiste a vu du pays. « Après un passage à
l’Humanité, j’ai été journaliste indépendant, ce qui m’a permis de
voyager, des fois avec des salaires qui rentraient… et des fois pas. Quand j’ai
eu mes jumeaux, mes premiers enfants, il a fallu que je me calme et j’ai
travaillé pour France 3 Nancy. » Désormais, pas moins de
cinq jeunes visages figurent sur la photo de famille qu’abrite son
téléphone. « Une vraie pub United Colors ! » sourit le député
devant l’image de sa famille recomposée, prise à l’arrière de sa maison en
briques.
Son bagou ne date pas d’hier
Son prédécesseur sur les bancs de l’Assemblée ne tarit pas d’éloges à son
endroit : « Fabien a compris que le monde
du travail est un élément déterminant. Ascoval, Bridgestone… il est de toutes
les luttes, c’est un homme de terrain », se félicite Alain
Bocquet, qui lui a aussi transmis le virus de la lutte contre l’évasion
fiscale. Un combat qui rime parfois avec coup d’éclat. « Un
jour, au début du mandat, il m’a appelé – il était dans le train – pour me dire
qu’il venait de réussir à créer une société offshore en quelques clics sur son
téléphone », s’amuse encore André Chassaigne.
Dans l’Hémicycle, il transforme « l’expérience » en
démonstration et informe le ministre Gérald Darmanin, alors en charge des
Comptes publics, qu’il l’a nommé directeur général d’une société qui permet de
délocaliser des fonds dans « vingt-trois paradis fiscaux au choix ». De
tête, il cite encore le dernier rapport sur l’ISF avant sa suppression :
« Ils étaient 358 000 familles, leur patrimoine taxable s’élevait à
1 028 milliards d’euros, et on leur en prenait 3,6… Ça me fout en rage,
quand je reçois dans ma permanence une dame qui a 600 euros d’électricité
à payer dans son logement pourri et qui pleure parce qu’elle n’a pas de quoi
habiller son gamin. »
Son bagou ne date pas d’hier. « Je le revois monter sur une chaise
dans le préau et prendre la parole devant 200 personnes, mégaphone en main,
pour dénoncer ce qui se passait en Afrique du Sud », se
rappelle Olivier Marchais, qui a partagé ses années de lycée. À l’époque, avec
la Jeunesse communiste, Fabien
Roussel est sur le pont pour la libération de Nelson Mandela, mais aussi contre la
loi Devaquet, qui prévoyait la sélection à l’entrée à l’université.
De premiers pas en politique soldés par une double victoire, qu’il compte
bien ne pas se laisser voler. « Ce tte semaine, j’ai réuni
une douzaine d’organisations de jeunesse pour parler du “pacte pour la
jeunesse” que nous voulons construire avec elles, et un jeune de l’UNL a dit
que Blanquer mettait en œuvre les lois Monory-Devaquet. Je me suis dit : “On a
réussi à l’empêcher en 1986, on va continuer le combat et aller jusqu’au bout
aujourd’hui ! ” » lance le député avec cette gouaille qui
marque sur les plateaux télévisés.
Je voudrais porter une
République qui respecte tous ses territoires, tous ses habitants ».FABIEN ROUSSEL, SECRÉTAIRE NATIONAL DU PCF
Son franc-parler, cependant, lui joue parfois des tours. Au service de
communication du PCF, on rit jaune, par
exemple, au souvenir de la comparaison, sur CNews, avec « un string
brésilien » utilisé pour imager la critique contre la légèreté des
mesures mises en œuvre contre l’arrivée du variant sud-américain. « On
a les défauts de ses qualités », reconnaît Roussel qui plaide la « sincérité ».
Une franchise dont il reproche volontiers à d’autres à gauche d’être dépourvus.
« Un rapport de forces à construire »
Le candidat PCF tire aussi des
leçons de son expérience au cabinet de la communiste Michelle Demessine, nommée
secrétaire d’État au Tourisme au sein du gouvernement Jospin, en 1997. « Nous
sommes utiles dans un gouvernement, mais à chaque fois, Lionel Jospin et le
ministre de l’Économie et des Finances de l’époque, Dominique Strauss-Kahn,
disaient : “Ces réformes sont justes, mais le pacte européen ne nous permet pas
de les mettre en œuvre.’’ L’orthodoxie budgétaire, déjà. » Et de
poursuivre : « C’est là-dessus que la gauche plurielle a buté. Elle n’a
pas été au bout des espoirs qui lui étaient confiés, et c’est la première fois
qu’on a eu Le Pen au second tour. Et la deuxième fois, c’était avec Hollande… »
Face aux 2 % que
lui promettent pour l’heure les sondages, le député ne perd pas sa répartie : « Je
suis un mec positif, un combattant, on n’est qu’au début de la campagne, chaque
élection présidentielle a révélé son lot de surprises. » « Si
je ne suis pas élu, ce qui peut arriver, glisse-t-il en souriant avant de
reprendre son sérieux, qu’au moins les idées que nous aurons portées
pendant la campagne s’imposent. C’est un rapport de forces à construire pour
que le monde du travail, la jeunesse se fassent respecter. »
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