mercredi 26 mai 2021

Conditions de travail. Travailleurs sociaux, ces invisibles de la République



Nadège Dubessay

Une travailleuse sociale a été tuée dans l’exercice de ses fonctions le 12 mai. Elle n’a pas eu le droit à un hommage national. Preuve de l’absence totale de considération pour cette profession essentielle. Témoignages.

Elle devait rendre visite à un ancien agriculteur de 83 ans, dans le cadre d’un accompagnement professionnel personnalisé. L’homme tire sur elle, la tue et se donne la mort. C’était le 12 mai. Audrey Adam, 36 ans, conseillère en économie sociale et familiale du conseil départemental de l’Aube, meurt assassinée dans l’exercice de ses fonctions. Il n’y a eu ni hommage officiel, ni gros titres dans les journaux. Pas une minute de silence, si ce n’est celle rendue le 17 mai par les travailleurs sociaux, choqués par l’absence de réactions des pouvoirs publics. Cette actualité dramatique n’est pas sans écho à d’autres. La liste des travailleurs sociaux tués ces dernières années est longue. En 2015, à Nantes, Jacques Gasztowtt, éducateur spécialisé, mourait lui aussi en exerçant son métier. Tout comme l’éducatrice spécialisée Marina Fuseau, en 2017, à Poitiers, ou encore Cyril Pierreval, chef de service d’un centre d’accueil à Pau, en février dernier.

 Une assourdissante indifférence

Pour Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, cette assourdissante indifférence n’est « qu’une nouvelle démonstration du peu de considération et d’intérêt dévolu à ce champ professionnel ». Alexandre Lebarbey, de la fédération santé et travail social à la CGT, rappelle le dur quotidien des travailleurs sociaux, « rythmé par la violence face à un public souvent difficile, en crise ». Il le constate chaque jour : les accidents du travail, les difficultés psycho-sociales au travail, les difficultés de recrutement et les demandes fréquentes d’affectation ou de secteur touchent davantage les travailleurs sociaux que les autres professions. Salaire dérisoire (un éducateur commence sa carrière avec 1 400 euros net), charges de travail qui explosent face à l’aggravation des inégalités et de la paupérisation des populations fragiles…

Dans ces conditions infernales, les travailleurs sociaux sont à bout de souffle et réclament plus de moyens. Humains, financiers et de formation continue. D’autant que, premiers de corvée, ils doivent « panser les plaies d’une société malade de la dilution des liens sociaux et de la destruction des cadres collectifs et des dispositifs permettant pourtant d’amortir la misère sociale », soulève le syndicat Solidaires. Eux, les invisibles, comme ils se nomment, accomplissent au quotidien des missions d’intérêt général « pour que la société n’explose pas », soulève Cécile Boullais, assistante sociale pour l’aide sociale à l’enfance. Et parfois la peur au ventre.

 

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