Après l’avoir remisée au
placard, le gouvernement prévoit de présenter la loi 4D, très contestée, au
Sénat en juillet. Objectif caché : réconcilier Emmanuel Macron et les
territoires.
Emmanuel Macron déclarait, le 2 juillet, à la presse régionale qu’il
était « favorable à ce qu’on ait plus de différenciations » entre
les collectivités, car cela correspondait à leur « demande » et
au « besoin des territoires ». Et puis… plus rien. Les
contours d’une loi de différenciation territoriale avaient pourtant été
dessinés par Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, sans
qu’une réelle suite soit donnée aux velléités de réforme du président. Mais
voilà que le gouvernement ressort maintenant de ses cartons son projet de loi
4D – « décentralisation », « différenciation »,
« déconcentration » et « décomplexification ». Il sera
finalement présenté, ce mercredi, en Conseil des ministres avant d’arriver
début juillet au Sénat puis à l’Assemblée nationale à la rentrée, malgré un
calendrier lourdement chargé jusqu’à la fin de la législature.
Remise en cause de la « République une et indivisible »
Pourquoi alors remettre maintenant cette loi à l’agenda
parlementaire ? « Le projet de loi et le travail de concertation
avaient été réalisés », répond le cabinet de la ministre à l’AFP.
Voilà pour la version officielle qui serait motivée par le « pragmatisme ». Sauf
que derrière ce rebondissement se cache également une visée plus politique pour
Emmanuel Macron et son quinquennat durablement marqué par le mouvement des
gilets jaunes. Au moment où Xavier Bertrand – candidat autoproclamé des
territoires – louche sur l’Élysée, le chef de l’État voudrait troquer son
image de président des riches pour celle de décentralisateur en donnant,
théoriquement, plus d’autonomie aux collectivités. Il promet même de « reprendre
(son) bâton de pèlerin et aller dans les territoires pour prendre le pouls du
pays ». « Le président fait enfin mine de s’intéresser aux
territoires : il nous caresse l’échine tout en nous faisant les poches », analyse
le socialiste André Laignel, vice-président de l’Association des maires de
France (AMF).
Car ce n’est pas un simple acte de décentralisation que prépare l’exécutif
mais bien un véritable « big bang » territorial, qui pourrait remettre en cause
les fondements de la « République une et indivisible » garantie
par l’article 1er de la Constitution. « Ce texte part des attentes
des élus locaux, qui subissent le délitement de l’État depuis quinze ans, concède
la sénatrice PCF Cécile Cukierman. Mais il est très mal emmanché : pour
répondre aux besoins, cette loi dit qu’on a besoin de moins de République. » Au
cœur des inquiétudes de la parlementaire communiste mais aussi de nombreux élus
locaux, la possibilité pour les collectivités de se doter de compétences qui
sont initialement dévolues à d’autres échelons. Par exemple, les régions
pourraient élargir leurs compétences aux petites lignes ferroviaires et les
départements pourraient s’approprier des tronçons de routes nationales ou
recentraliser la gestion du RSA à condition d’investir dans les politiques
d’insertion.
Des inégalités croissantes entre collectivités sans moyens nouveaux
De plus, bien qu’elle soit censée « répondre aux besoins des
territoires », comme tente de la vendre le gouvernement, cette réforme
ne satisfait personne. Et encore moins celles et ceux qui souhaitaient des
pouvoirs accrus sur les questions de santé. Dans le Monde,
47 présidents de département publient une tribune pour la dénoncer : « Le
projet de loi 4D n’est pas seulement un texte aride semblant empiler des
dispositions techniques sorties des étagères des différents ministères, il ne
tire aucune leçon du passé, ni même de cette année de pandémie, ni de la loi
NOTRe, et ne donne pas de réelle perspective pour l’avenir. Pire, il semble
oublier les départements que la crise sanitaire a pourtant renforcés en tant
que collectivi tés de proximité. » « On a besoin de donner un
nouveau souffle aux collectivités sans les opposer entre elles. Pour réellement
permettre leur autonomie, faut-il encore qu’elles en aient les moyens », ajoute
Cécile Cukierman.
Or, aucune compétence
fiscale n’est prévue aujourd’hui dans le texte. « Si les moyens humains
et financiers ne suivent pas, cette possibilité de différenciation n’est
offerte qu’aux riches », tacle André Laignel. De fait, les inégalités
entre territoires ne pourront que s’accroître. Ce qui fait dire aux présidents
de département qu’avec ce projet de loi 4D, « c’est la déception avec
un grand D qui prime ».
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