Du rapport Arthuis sur
l’avenir des finances publiques au nouveau « plan de stabilité », le
gouvernement ressert les recettes du monde d’avant. Dans une étude publiée ce
mercredi, Attac et la Fondation Copernic dénoncent cette rigueur et
questionnent la dette.
Pour l’essentiel, le rapport Arthuis, sur lequel le
gouvernement fonde sa politique budgétaire à venir, aurait pu paraître il y a
quinze ans, quand la droite a commencé à s’exciter sur la dette publique dans
le but de réduire les dépenses.
Même champ lexical du péril. Même argument jamais démontré que la dette
pèse sur la croissance. Seuls les curseurs changent. Ainsi la grande proposition
de la commission Arthuis est de limiter la
croissance en volume des dépenses publiques à 0,7 % par an, alors qu’elle
espère que la croissance du PIB soit du double.
« Retour à l’anormal »
« Le cahier des charges défini par le gouvernement pour cette commission
portait deux exigences : pas d’augmentation des prélèvements obligatoires ;
diminution des dépenses publiques, puisqu’il est question de payer
l’intégralité de la dette, explique Vincent Drezet, membre du conseil
d’administration d’Attac France. Au vu de ce carcan, on ne peut pas
être surpris des propositions qui en sont sorties. C’est un retour à la normale,
ou l’anormal, selon de quel côté on se place. »
L’économiste et fiscaliste publie aujourd’hui, avec quatre collègues
économistes de l’association et de la Fondation Copernic, un rapport très
pédagogique sur le retour à l’austérité prévu par l’exécutif.
Des cadeaux qui coûtent cher
Les auteurs commencent par se poser la question de ce qui a creusé cette
dette, hors mesures exceptionnelles liées au Covid et au soutien à l’économie.
Les quatre cadeaux fiscaux du quinquennat – deux à destination des riches
(la fin de l’ISF et le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du
capital) et deux en faveur des entreprises (les baisses de l’impôt sur les
sociétés et de ceux dits de production) – vont priver les recettes publiques de
60 milliards d’euros sur le mandat.
« Ces mesures étaient supposées relancer l’activité économique.
Sous-entendu : ce qu’on perd d’un côté, on le récupère de l’autre. Mais le seul
bilan constaté est l’augmentation des dividendes et aucun impact sur
l’investissement. C’est même France Stratégie qui le dit », pointe Vincent
Drezet. Sans parler, bien entendu, des 190 milliards d’euros de niches
fiscales diverses et variées, dont l’efficacité n’a jamais été auditée et qui
grèvent chaque année les finances publiques.
Pour une autre vision de la dette
Attac et la Fondation Copernic regrettent surtout l’absence totale de
réflexion de la commission Arthuis, comme du gouvernement, sur une autre vision
de la dette et de sa gestion. « De la même manière que nous avons
sensibilisé les citoyens à l’évasion fiscale, un vrai travail est à faire sur
ces questions : qui détient la dette, est-elle un problème, peut-on l’annuler
ou la transformer… ? Il y a besoin d’un vrai débat démocratique », assure
Vincent Drezet.
Car, pour l’heure, la propagande libérale tourne à plein régime, si bien que, selon un récent sondage Ipsos, 83 % des Français s’inquiètent de la situation budgétaire et 73 % s’estiment mal informés.
Qui sait que 25 % de la dette française (600 milliards
d’euros) sont détenus par les banques centrales, part qu’on peut annuler ou
transformer en dette perpétuelle ? Le reste est emprunté sur les marchés
financiers.
Des rentes sur le dos des citoyens
La France ne la rembourse pas mais la fait tourner : elle paye des
intérêts, et chaque fois qu’une échéance arrive à terme, elle réemprunte pour
la solder. Résultat : les marchés tirent de véritables rentes sur le dos des
citoyens. Il serait grand temps de remettre en question ce mode de financement.
L’autre levier sur lequel peser est évidemment celui de la fiscalité, donc
des recettes, grand tabou gouvernemental. Outre remettre en question les
largesses à destination des plus riches qui plombent le consentement à l’impôt,
les économistes d’Attac et de la Fondation Copernic invitent à un rééquilibrage
en faveur des impôts directs (sur le revenus ou les bénéfices) par rapport aux
indirects (comme la TVA), pour une fiscalité plus simple, avec moins de niches
et plus progressive.
L’importance d’une taxation unitaire des multinationales
Ils insistent aussi sur l’importance d’une taxation unitaire des
multinationales, à décider à l’échelle internationale, pour mettre fin à la
concurrence fiscale vers le bas, limiter l’attrait des paradis fiscaux et créer
des recettes supplémentaires.
« On vit une opportunité historique, entre l’administration Biden qui
pousse pour une taxation minimale des multinationales et les leçons de la
pandémie qui doivent nous amener à repenser notre rapport à la dette », insiste Vincent
Drezet. La commission Arthuis reconnaît elle-même qu’on n’a pas fini de payer
la crise de 2008. Elle vise, sans trop y croire, 2030 pour solder la dette liée
à la pandémie.
Le gouvernement cible,
lui, au doigt mouillé, 2027. « Il y aura d’autres crises, sans parler
des catastrophes climatiques et écologiques. Il est bien moins coûteux de s’y
préparer que d’en subir les conséquences. Cela passe par de l’investissement
durable, en partie financé par de la dette », conclut l’économiste.
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