L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 29 avril 2021 – par Patrick Le Hyaric.
Tel qu’il
s’expose à nous, le paysage politique a des aspects plus qu’effrayants. 89 %
des électeurs ayant voté pour l’extrême droite au premier tour de la présidentielle
de 2017 déclarent d’ores et déjà qu’ils le referont en 2022. Il s’agit de loin
de l‘électorat le plus déterminé… et nombreux. Les différents courants
réactionnaires totalisent ainsi près des deux tiers de l’électorat.
Ici est posé
un problème majeur : le peuple de gauche, dans sa diversité, se lèvera ou
se relèvera-t-il face à une droite, certes diverse, en compétition, et parmi
laquelle il convient désormais de ranger l’essentiel du macronisme, mais portée
par un même vent mauvais soufflant sur l’ensemble du monde, et par rafales en
Europe ?
Ce bloc de
droite trouve son point d’équilibre à la frontière de l’extrême droite :
racisme de plus en plus décomplexé, autoritarisme et nationalisme se conjuguent
avec l’adoubement des logiques du capitalisme financiarisé et mondialisé.
Désormais, une majorité des électeurs de la droite classique se dit prête à des
alliances avec l’extrême droite, tandis que l’OPA réalisée sur le mot
République par une droite délestée de son héritage gaulliste vide continuellement
de son sens social et égalitaire cette reconquête de 1945. Et le processus
isole de plus en plus une gauche engoncée dans des débats picrocholins
instrumentalisés par ses adversaires.
On nous
rétorque que l’extrême droite au pouvoir serait de toute façon cornaquée par
les institutions, contrainte à des alliances et compromis qui rabaisseraient
ses ambitions néo-fascistes. C’est faire l’impasse sur ce qu’un tel scénario
réveillerait dans notre pays, qui n‘a été immunisé contre les idées et pratiques
d’extrême droite que par la désormais lointaine période de la Libération. On
constate déjà la résurgence de comportements séditieux dans les hautes sphères
de la réaction, tels ces officiers retraités appelant par voie de presse à un
retour à l’ordre moral par reprise en main militaire.
Pour lutter
contre l’influence hégémonique des droites, la gauche doit retrouver le sens de
l’Histoire, des travailleurs manuels et intellectuels et de l’intérêt général,
en opérant sur plusieurs fronts. Elle doit revenir vers les travailleurs
et habitants des quartiers populaires, les gens de peu pour élaborer avec eux
des issues novatrices anticapitalistes, progressistes et transformatrices. Ce
qui suppose de désigner clairement l’adversaire : le capitalisme qui exploite,
spolie et aliène.
La force
communiste, avec d’autres, peut ici jouer un rôle décisif pour porter un
processus démocratique et unitaire réinventé. La question sociale doit être
replacée au cœur du débat public. Ce ne sera possible qu’en créant les
conditions d’une souveraineté populaire, en défendant la reprise en main des
outils productifs vendus au capital transnational, avec des initiatives pour
reprendre le pouvoir à la finance, une politique de réindustrialisation et le
redéploiement d’une agriculture paysanne. Ceci ne peut se penser que dans le
cadre d’une transition environnementale qui nécessite recherche, formation,
nouveaux services publics et nouveaux métiers et emplois. Le travail, son sens,
son accès pour toutes et tous, sa rémunération doivent s’inscrire au cœur d’un
projet post-capitaliste. La défense des libertés démocratiques doublement
piétinées par la gestion de la pandémie doit également figurer parmi les
priorités. L’état d’urgence sans cesse reconduit dans un silence de plomb
favorise l’hypothèse d’un gouvernement de type autoritaire.
L’après-pandémie,
à partir des enjeux de la santé et de la vie humaine, appelle à construire un
audacieux projet démocratique, social, écologique, dans une démarche unitaire
visant le rassemblement populaire. L’enjeu des pouvoirs d’intervention et de
gestion des travailleurs et des citoyens devient fondamental. On ne peut rester
contempler le désastre qui s’avance.
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