mercredi 7 avril 2021

Intervention d’Hervé OSSANT à la conférence de presse : « Hôpitaux de Seine-Saint-Denis »

 


Aujourd'hui les représentants CGT du 93 s’étaient rassemblés devant l'hôpital Robert BALLANGER à Aulnay. Après l’intervention d’Hervé OSSANT, secrétaire général de l’UD CGT 93, se sont exprimé Christophe PRUDHOMME, Didier MIGNOT, Clémentine AUTAIN, Brigitte MORANNE et les représentants des comités de défense des hôpitaux de Robert Ballanger, Delafontaine, Avicenne, Jean Verdier, René Muret, André Grégoire, Montfermeil, Ville-Evrard.

Emmanuel Macron, proclamé épidémiologiste en chef par ses proches, a perdu son pari de ne pas confiner la population. En effet, face à l'explosion de la circulation du virus que lui et son gouvernement n'ont pas su anticiper, c'est tout le pays qui se retrouve à nouveau à payer les pots cassés. Pourtant, une autre politique aurait pu être menée depuis des années. En effet, le confinement, c'est un ensemble de risques forts pris pour les français.e.s : risques psychologiques, reports de soins, tri des malades, risque de déscolarisation, explosion de la précarité, des inégalités et des violences intra-familiales, autant de maux aux conséquences de long terme et touchant l'ensemble de la population.

C'est aussi une question démocratique et de confiance en l'avenir et envers les institutions : pendant combien de temps encore les décisions vont-elles être prises par un conseil de guerre en toute opacité et sans aucun contrôle démocratique ? Que penser des discours contradictoires sur la circulation du virus au sein des écoles, en extérieur, ou encore sur les vaccins ? A quoi correspond ce couvre-feu imposé, pourquoi 18 h, pourquoi 19 h ? Que veulent dire ces politiques infantilisantes ? Quelle sont les portes de sortie à cette crise démocratique, sanitaire et sociale ? Autant de questions qui restent en suspens.

Pourtant, la situation aurait pu être tout autre. Les professionnels du secteur de la santé n'ont cessé de tirer la sonnette d'alarme auprès des instances publiques. Ils dénonçaient depuis une dizaine d'année, et dénoncent encore le manque de personnel et la fermeture des lits dans les hôpitaux. Mais les gouvernements les uns après les autres aveuglés par leur croyance au marché, et qui voient la santé comme un coût, s'attachent à détruire encore les hôpitaux. La première vague, il y a un an était un avertissement fort, une mise en évidence du besoin d'investissement dans les secteurs du soin et de la santé et pourtant, malgré les discours du « quoi qu'il en coûte », le gouvernement a continué les économies (4 milliards dans le PLFSS de 2021) et si le Ségur a apporté quelques améliorations en termes de salaires (qui restent en deçà de ceux de la moyenne de l'OCDE), il ne répond pas aux besoins urgents en emplois dans le secteur. Le quotidien des soignants débordés et forcés à mal faire leur travail par manque de moyen reste le même.

L'accueil des patients se dégrade et aujourd'hui c'est malheureusement un tri des patients qui s'impose face à la crise. Un autre grand raté dans la politique du gouvernement et qui prouve son incapacité à remettre en cause son logiciel d'action libéral qui pourtant enchaîne les échecs réside dans le scandale de la gestion de la politique vaccinale. Là encore, nous subissons de plein de fouet les conséquences d'une politique néolibérale ancienne de déconstruction de la recherche publique et de privatisation de cette dernière en matière de vaccin. Nous subissons aussi le fait d'avoir laissé les reines de la politique industrielle en matière de traitement et de vaccin aux industriels eux-mêmes engagés dans une concurrence et une course aux profits en totale déconnexion avec les besoins sanitaires et sociaux de la population.

Face à l'échec de cette politique du tout marché, et à l'incapacité de notre système productif pharmaceutique à produire un vaccin, le gouvernement avait les moyens législatifs pour imposer le partage des brevets des vaccins existants et faire en sorte que toutes les usines françaises se tournent vers la production de vaccin. Mais il n'en est rien, malgré les annonces sur la vaccination comme bien commun, les représentants de nos gouvernements votent en catimini contre le partage des brevets au sein des instances internationales, laissant des populations entières sans les moyens de se vacciner.

Dans l'Union Européenne, c'est donc la loi du plus offrant qui a été mise en place avec une négociation encore une fois tenue secrètes avec les grands groupes pharmaceutique et cerise sur le gâteau, ce sont ces derniers qui décide de quand et à qui les vaccins sont distribués ! Si nous levions les brevets comme nous le permet le droit commun avec la licence d'office ou licence obligatoire en cas de crise sanitaire, alors nous pourrions s'assurer de la production du vaccin en France. Les usines françaises seraient en effet en capacité d'en produire deux à trois fois plus qu'actuellement, mais il leur faut la formulation ! D’ailleurs à ce propos la Seine-Saint-Denis a encore du foncier de disponible extrêmement bien placé pour accueillir de l’industrie pharmaceutique comme avec les ex-terrains PSA ou bien tout simplement ici à l’Hôpital Ballanger. Mais pour cela encore faudrait-il avoir un Etat stratège ! Dans cette même incurie et empêtré dans sa logique toujours plus libérale, le gouvernement a décidé de confier la stratégie de vaccination au cabinet privé McKinsey niant toutes les qualifications offertes par l'Administration publique et par la Sécurité sociale. Comme seul le privé à la faveur du gouvernement et de ses conseils, les réservations de créneaux pour se faire vacciner sont gérées par les plateformes privées du type Doctolib.

En plus du cadeau énorme qui leur est fait avec nos données de santé, le passage par ces opérateurs accentue la fracture numérique et les inégalités territoriales à l'instar de la Seine-Saint-Denis, l'un des départements les plus touché en termes de COVID et de surmortalité. Et ce sont les personnes vivant dans les départements limitrophes qui s'y font vaccinés, car ils ont de meilleurs accès aux outils de réservation ! La fracture numérique et la loi de la demande non régulée viennent ainsi accentuer les inégalités de soin déjà criantes ! Cela dit la situation se réitère vague après vague, et qui aurait dû conduire l’Etat à agir pour remplir sa mission de sécurité des populations. Or, 1 an après le 1er confinement le constat est toujours aussi négatif, avec un Etat qui ici plus qu’ailleurs, a démontré son incapacité à faire face. Les populations modestes, voir précaires de notre département, sa jeunesse, les travailleurs issus de l’immigration, les ouvriers, les retraités ne semblent pas être dans les priorités d’un pouvoir qui n’a fait que gérer la pénurie, fruit de décennies de politiques libérales.

De nombreuses mobilisations du mouvement social en Seine-Saint-Denis n’ont eu de cesse de réclamer des moyens pour rétablir l’égalité républicaine sur notre territoire notamment en matière d’éducation et de santé. Les hôpitaux étaient fortement mobilisés en 2019, car les personnels déjà, vivaient des moments de fortes tensions dans les services lors de la grippe saisonnière notamment. Cette pandémie a accentué une réalité bien ancrée. Tous les rapports et toutes les analyses sérieuses l’ont mis en évidence, les territoires les plus denses, les plus inégalitaires ainsi que ceux dont lesquels la part des 1er de corvée est la plus élevée se sont révélés les plus vulnérables. Nous sommes plus exposés au virus en Seine-Saint-Denis avec un pourcentage d’ouvriers et d’employés plus élevé que la moyenne nationale, catégories qui ne connaissent pas le télétravail mais les transports en commun bondés, et un taux de sur-occupation des logements (26% des logements contre 12,6% en ile de France). Avec l’existence d’un fait social, les travailleurs sans papiers, qui subissent restriction de l’aide médicale d’état et entrave à la régularisation, et qui font partie des salariés qui n’ont pas arrêté de travailler, notre territoire accueille une population particulièrement vulnérable et démunie face au virus.

L’INSEE avait, dès juillet 2020, alerté sur la surmortalité des personnes nées à l’étranger, double de celles nées en France. L’accès au vaccin, qui est une réponse déterminante pour juguler cette crise sanitaire, est elle aussi plus difficile sur notre département. Peut-être qu’avec le vaccinodrome géant du stade de France les choses vont changer. En tout état de cause le Stade de France ne peut pas être un outil de communication supplémentaire pour le gouvernement. Aussi les doses de vaccins nécessaires ne peuvent pas se faire au détriment des 24 autres centres de vaccinations du département. Il y a besoin de proximité car tout le monde ne peut se déplacer comme il le souhaite. Pour le moment, au rythme du gouvernement, il nous faudrait 70 semaines pour vacciner la population française !

Pour la population de Seine-Saint-Denis le taux de vaccination est deux fois moins élevé que dans les Alpes Maritimes et 32% en dessous du taux national ! Le taux d’incidence qui mesure la circulation du virus est quasiment le double dans la tranche d’âge 80-89 ans en Seine-Saint-Denis par rapport aux Alpes Maritimes ou Paris. Fracture numérique, désert médical, et manque d’intervention volontariste de l’Etat en sont les principales causes. Pour contrer la circulation du virus dans le 93 et ailleurs il y a besoin de vacciner massivement. Il faut en urgence revoir la stratégie vaccinale et prendre en compte le taux d’incidence pour permettre la vaccination des tranches d’âges plus jeunes. Les travailleurs en premières lignes doivent faire partie des salariés prioritaires pour la vaccination.

Particulièrement les personnels de l’Education nationale, afin de permettre un retour le plus rapide possible aux cours en présentiel. L’école est le principal outil d’émancipation de notre jeunesse. Il lui faut des moyens pour ne pas faire de cette crise sanitaire la crise d’une génération sacrifiée. Nos enseignants doivent être protégés du virus car ils sont dans des lieux de forte incidence. Cette pandémie doit enfin amener l’Etat à résorber cette rupture d’égalité mais aussi à rompre avec les recettes du passé qui ont démontré le dénuement de la puissance publique pour assurer la sécurité des populations. Masques, gels, médicaments, respirateurs, vaccin, sur tous ces éléments essentiels le pays a été et reste en très grande difficulté. La suppression de lits d’hôpitaux, le manque de personnels hospitaliers, le manque d’investissements dans la recherche fondamentale, les cadeaux fiscaux aux groupes pharmaceutiques qui les dilapident en dividendes...Toutes ces politiques qui affaiblissent nos protections, nos biens communs, pour nourrir un capital repu et à l’abri sont totalement disqualifiés.

Nous revendiquons ainsi :

-Le réarmement de tout notre système de santé de l’hôpital à la médecine primaire (ville, médecine du travail et scolaire).

-L’embauche massive de personnel dans les hôpitaux que nous estimons à plus de 3 000 pour la Seine-Saint-Denis et l’ouverture de lits.

-l’ouverture de la vaccination aux personnels de l’enseignement et à tous les salariés qui assurent au quotidien les fonctions vitales pour notre société.

-Une protection sociale de haut niveau pour tous, le retrait de la réforme de l’assurance chômage et obtenir un statut du travail salarié pour tous.

-Le rétablissement des CHSCT en élargissant leurs compétences aux questions environnementales.

-La résorption de l’habitat insalubre et la construction de logements, en particulier dans le parc social.

-D’en finir avec les logiques de privatisation (RATP, SNCF, ADP…) incompatible avec des transports publics de qualité.

En cette journée mondiale de la santé, nous pensons à ces plus de 96 000 morts depuis le début de la pandémie.

Nous pensons à ces 200 à 300 morts quotidiens. Il n’y a pas de fatalité si les moyens sont mis dans notre système de santé.

Non, décidément, Monsieur Macron, Nous on ne vous remercie pas.

Et maintenant je passe la parole à celles et ceux qui au quotidien dans les hôpitaux vivent cette pandémie.

Je vous remercie.

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