Vaccination, tests,
ventilation : la reprise des cours a lieu aujourd’hui dans le premier degré
sans que, sur aucun de ces points, des avancées significatives se soient
produites. L’inquiétude reste donc de mise.
De la maternelle au CM2, en ce 26 avril, c’est la reprise pour les
6,6 millions d’élèves du premier degré, après deux semaines
d’interruption. On pourrait presque dire trois, tant celle du 6 au
9 avril, déjà amputée du lundi de Pâques, n’a guère permis que soient
mises en place de vraies démarches de travail à distance. Surtout, ils sont
nombreux, parmi les enseignants mais aussi les parents d’élèves, à s’inquiéter
des conditions de cette rentrée et à se demander à quoi aura servi
l’interruption.
L’état d’esprit des professeurs ? Bertrand Mesure, enseignant spécialisé et
cosecrétaire départemental du SNUipp-FSU (premier syndicat du primaire) dans
les Yvelines, le résume sans doute assez bien avec, au passage, un joli
lapsus : « On a dix ou onze semaines de classe d’ici les vacances
d’été, on va y aller et serrer les dents. Beaucoup de collègues sont désabusés,
mais tous veulent retrouver leurs enfants (sic) . On a vu les
dégâts du confinement l’an dernier. Surtout en éducation prioritaire et plus
encore chez les plus petits. »
De fait, ni la situation sanitaire actuelle, ni les mesures censées
protéger enfants et personnels du virus ne semblent rassurer. Le premier
ministre, Jean Castex, peut bien décréter, comme il l’a fait lors de la
conférence de presse du 22 avril, que « le pic de la troisième
vague est derrière nous », les chiffres ne lui donnent pas vraiment raison.
En population générale, les taux de contamination esquissent une baisse. Mais,
comme l’a rappelé l’épidémiologiste Dominique Costagliola dès le 19 avril,
celle-ci peut tout aussi bien être imputable à la baisse du nombre de tests
effectués pendant cette période, en particulier pour les classes d’âge de 0 à
19 ans qui ne bénéficient plus des campagnes de tests organisées en milieu
scolaire. « Les indicateurs ne sont pas suffisamment au vert »,
confirmait voilà trois jours son confrère Antoine Flahaut, estimant que « le
gouvernement décide de rouvrir de manière précipitée ». De quoi amener
Guislaine David, porte-parole nationale du SNUipp-FSU, à conclure que « c’est
une réouverture vers le virus ».
Seul point un peu réconfortant pour la syndicaliste, le retour acté au
principe « Un cas, une fermeture » pour les classes : « Ça rassure,
parce que ça signifie qu’on va tout de même tenter de ne pas laisser le virus
se propager dans les écoles. » Elle ne se montre guère optimiste pour
autant : « Les quinze premiers jours, ça devrait tenir puisque le taux
de contamination chez les élèves a commencé à baisser. Mais après ? » D’autant
que le maintien de ce principe de fermeture risque de poser à nouveau de
manière aiguë le problème du remplacement des enseignants. On se souvient en
effet qu’avant la fermeture, la hausse du nombre de professeurs positifs ou cas
contacts avait abouti, faute de remplaçants, à des situations aussi paradoxales
que dangereuses, les élèves qui venaient malgré tout à l’école étant bien
souvent répartis dans les autres classes.
Mais Jean-Michel Blanquer se veut rassurant, jurant que 94 % des
absences sont remplacées – un chiffre invérifiable, comme souvent ceux qu’il
brandit dans les médias – et surtout, promettant l’embauche de 5 000
professeurs supplémentaires afin d’assurer ces fameux remplacements. Lors de la
rencontre, le 22 avril, entre son cabinet et les représentants syndicaux,
il a été juré à ceux-ci que, contrairement à ce qui se passait jusqu’à
présent, « quand un enseignant sera absent et pas remplacé, la classe
fermera », évitant tout brassage des élèves. Guislaine David se montre pour
le moins dubitative : « De toute façon, les remplaçants, on ne les aura
pas. On nous en avait déjà promis 6 500 en octobre-novembre, nous avons eu du
mal à en dénombrer 1 500. Là, on ne sait pas si ceux qui ont été recrutés à
l’époque sont comptés dans les 5 000. Et puis, ce serait qui ? Les étudiants ne
préparent plus les concours, ils sont en train de les passer, ils ne vont pas
aller jouer les remplaçants en Seine-S aint-Denis. »
« Comment peut-on raconter des bêtises pareilles ? »
Sur tous les autres plans, le fameux protocole sanitaire, que la plupart
des enseignants ont rebaptisé le « protocole si possible », n’a pratiquement
pas été modifié. Ce qui met en colère Rodrigo Arenas, coprésident de la
FCPE : « Le virus circule toujours et on reprend dans les mêmes
conditions qu’avant. Les moyens n’ont pas été mis sur la table pour que
l’école reprenne dans de bonnes conditions. » Les paroles du ministre,
rappelant la nécessité de rouvrir en particulier les cantines, tout en appelant
les parents qui le peuvent à ne pas y envoyer leurs enfants, n’ont pas échappé
au représentant de la première fédération de parents d’élèves : « Comment
peut-on raconter des bêtises pareilles ? Ce que doit faire un ministre, c’est
expliquer ce qu’il organise pour que la restauration scolaire fonctionne en
toute sécurité et permette à tous les enfants de manger correctement. Mais, là
aussi, il faudrait mettre la main au portefeuille. » Pour Bertrand
Mesure, « Jean-Michel Blanquer fait peut-être partie des gens qui ont
les moyens de ne pas mettre leurs enfants à la cantine, mais ce n’est pas une
raison pour oublier que si les gens y ont recours, c’est qu’ils travaillent et
qu’ils n’ont pas le choix. »
Ce point met en évidence une constante de plus en plus marquée, que relève
Rodrigo Arenas : « Le gouvernement se décharge sur les collectivités
locales. » Pour les cantines, certaines ont ainsi proposé de mettre à
disposition des salles, afin de mieux respecter distanciation et non-brassage –
proposition le plus souvent rejetée par les directions départementales de
l’éducation nationale. Mais le coprésident de la FCPE le rappelle : « Les
collectivités ont déjà dû assurer pour les masques, en embauchant pour assurer
nettoyage et désinfection, pour les activités périscolaires… Mais c’est à
l’État de prendre tout ça en charge. »
79 % des Français seraient favorables à la vaccination des enseignants
Ainsi, après avoir mis en doute l’efficacité des détecteurs de CO2
(mesurant la concentration dans l’air en aérosols contaminants) et des systèmes
de ventilation/purification de l’air que certains scientifiques et syndicats
demandaient dès l’été dernier, Jean-Michel Blanquer s’est décidé à… « encourager » les
collectivités locales à les mettre en place. « Il n’y a pas d’impulsion,
regrette Guislaine David. Mais soit les collectivités ont les moyens de
le faire, soit elles ne les ont pas. Il est incompréhensible que le
gouvernement ne finance pas ces équipements, qui, en outre, ne sont pas très
coûteux. » Ce que son collègue des Yvelines ne manque pas de
relever : « Blanquer a fait 200 millions d’économies sur son
budget 2020. Avec ça, il aurait largement pu financer des détecteurs de CO2 pour
tout le monde. »
Ce que les enseignants regrettent
aussi beaucoup, c’est le refus d’accorder aux personnels (professeurs mais
aussi surveillants, AESH) une vraie priorité pour la vaccination, quel que soit
leur âge : « C’est incompréhensible, regrette Guislaine
David , car cela permettrait, en protégeant les personnels, de protéger
tout le monde. Et cela limiterait aussi le besoin en remplacements. » D’autant
plus incompréhensible que les résultats d’un sondage commandé par la FSU, et
rendu public le 22 avril, sont sans appel : 79 % des Français, toutes
catégories, seraient favorables à la vaccination des enseignants – un taux qui
monte à 81 % chez les parents d’élèves. Et ce ne sont pas les tests,
réservés aux adultes dans le premier degré, qui permettront de pallier cette
carence. Les 400 000 promis dès cette semaine, puis 600 000 à partir de la
mi-mai, semblent très insuffisants au regard des plus de 12 millions
d’élèves et 1,2 million de personnels concernés. Exactement comme si les
trois semaines écoulées n’avaient servi qu’à entretenir l’illusion d’une action
du gouvernement pour protéger élèves et personnels du virus.
Nouvelle plainte contre blanquer et vidal
Plus de 1 000 étudiants, un collectif
de médecins et l’association Victimes coronavirus France ont déposé, le
23 avril, une plainte en nom collectif contre les ministres Jean-Michel
Blanquer et Frédérique Vidal, auprès de la Cour de justice de la République,
pour mise en danger de la vie d’autrui. Alors que les épreuves écrites de BTS
doivent se dérouler les 27 et 28 avril, les mêmes ont aussi déposé un
recours en référé au Conseil d’État demandant l’annulation de ces examens. On
se souvient que le collectif d’enseignants des stylos rouges avait déjà porté
plainte le 29 mars, pour le même motif, contre le ministre de l’Éducation
nationale.
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