Au-delà des victimes de l’usine Chloralp, qui réclament justice
depuis sept ans, ce sont des milliers de travailleurs malades de l’amiante qui
attendent de voir les responsables de leurs pathologies jugés pénalement depuis
1996.
Depuis vingt-cinq ans, les victimes de l’amiante tentent d’obtenir enfin la
tenue d’un procès pénal contre les responsables de ce scandale sanitaire, qui
pourrait provoquer jusqu’à 100 000 morts d’ici à 2050, selon les
estimations de l’Institut national de veille sanitaire (INVS).
Paralysie judiciaire
Malgré l’abondance de plaignants – souvent atteints de maladies
caractéristiques de l’exposition à la fibre blanche comme les plaques
pleurales, l’asbestose ou le mésothéliome – et la
présence indéniable d’amiante sur leurs anciens lieux de travail, les
procédures semblent toutes vouées à la paralysie judiciaire.
C’est donc avec beaucoup d’espoir que les associations de victimes ont
accueilli l’ordonnance de la chambre criminelle de la Cour de cassation du
8 mars, qui estimait – contre l’avis du parquet général – que la procédure
concernant l’affaire Everite devrait reprendre.
Quinze ans de combat
La veuve d’un ancien salarié de cette usine de production de tôles et de
tuyaux en amiante-ciment, située à Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne),
se bat depuis plus de quinze ans pour faire reconnaître la responsabilité
pénale de l’ancien employeur de son mari, décédé d’un mésothéliome en avril
2002.
Estimant qu’il était impossible de dater l’intoxication par les fibres
d’amiante, donc inenvisageable d’attribuer les fautes pénales à quiconque, les
juges d’instruction avaient fait savoir leur intention d’arrêter leurs
investigations. Un abandon soutenu par le ministère public, qui
avait choisi de rendre un non-lieu en 2017 dans ce dossier, comme dans ceux
des DCN (chantiers navals), d’ Eternit (producteur
d’amiante-ciment) et de Ferodo-Valeo.
« Un raisonnement qui ne tient pas la route »
Les victimes et leur famille avaient alors fait appel contre ces tentatives
du parquet de jeter leur procédure aux oubliettes. « Le raisonnement
des magistrats instructeurs ne tenait pas la route », souligne François
Desriaux, vice-président de l’Andeva (Association nationale de défense
des victimes de l’amiante). « Ils ont mal lu le rapport des experts
scientifiques, qu’ils avaient eux-mêmes missionnés, qui explique que, lorsqu’il
s’agit d’un cancérogène sans seuil, la période d’exposition, la période de
contamination et la période d’intoxication se confondent », analyse-t-il.
« Sur le plan judiciaire, leur incapacité à identifier des responsabilités
ne tient pas non plus : il est tout à fait possible d’attribuer des
responsabilités cumulatives et non collectives à différents employeurs », précise le porte-parole
de l’ Andeva. Pour François Desriaux, cette ouverture consentie par
la Cour de cassation devrait s’appliquer à tous les dossiers pénaux de
l’amiante frappés de non-lieu. « En six mois, on peut programmer ces
procès », insiste-t-il.
« Dans ces affaires, les juges d’instruction n’ont eu qu’une
préoccupation : clore les dossiers. Alors on peut douter de leur enthousiasme à
reprendre les enquêtes. »
Un espoir que ne partage pas Michel Parigot, président du Comité
anti-amiante de Jussieu. « Depuis 2013, dans ces affaires, les
juges d’instruction n’ont eu qu’une préoccupation : clore les dossiers. Alors
on peut douter de leur enthousiasme à reprendre les enquêtes », estime
le militant. Lui a préféré la voie de la citation directe, qui permet de
poursuivre pénalement des personnes physiques sans passer par le filtre du
parquet ou du juge d’instruction.
Une procédure montée
avec plus d’un millier de plaignants – salariés de l’industrie, dockers, travailleurs
du bâtiment, enseignants –, d’abord avec l’aide d’ Éric Dupond-Moretti,
au temps où il était avocat, puis de son associé maître Antoine Vey,
après la nomination du premier comme garde des Sceaux, pour tenter de voir la
responsabilité des dirigeants politiques mais aussi des représentants du lobby
du Comité permanent amiante mise en jeu par la justice.
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