Le président de la
République, qui s’exprimera ce mercredi, à 20 heures, martèle qu’il assume
« totalement » de ne pas avoir reconfiné l’Hexagone. Mais, alors que la
situation sanitaire est désormais critique, que professionnels de santé et
responsables politiques appellent à des mesures sanitaires plus strictes,
peut-il s’obstiner dans ce pari ?
S’entêter ou se déjuger. Ainsi peut se résumer le dilemme auquel doit faire
face Emmanuel Macron. Sommé par de nombreux responsables
hospitaliers de durcir les mesures pour combattre la flambée de l’épidémie
de Covid-19, le président de la République a répété ces derniers jours
qu’il assumait « totalement » son choix de maintenir les
écoles et de ne pas reconfiner.
Mais peut-il maintenir cette stratégie, quitte à saturer encore davantage
des hôpitaux en forte tension ? Doit-il au contraire avouer
que celle-ci n’est plus la bonne, qu’il s’est trompé et qu’un nouveau
reconfinement est nécessaire ? Le chef de l’État devrait y répondre ce mercredi
soir, à l’issue du conseil de défense sanitaire qu’il préside.
Injonctions du conseil scientifique
Cette allocution, les Français, qui ont bien compris que ces décisions
viennent d’en haut, l’attendent depuis longtemps. Toutes les semaines ou
presque, la rumeur d’une intervention présidentielle s’est propagée en janvier
et février. Le déferlement des variants sur l’Hexagone et les
injonctions du conseil scientifique à durcir les mesures –
réitérées dans son avis du 11 mars – auraient dû pousser Emmanuel Macron à
prendre la parole, au moins dans un souci de clarté. Il n’en a rien été.
Je peux vous affirmer
que je n’ai aucun mea culpa à faire, aucun remords, aucun
constat d’échec.EMMANUEL MACRON, le 25 mars
Le chef de l’État a bien fini par passer une tête devant les caméras de
télévision, jeudi soir, lors d’une conférence de presse improvisée. Mais on
n’en retiendra qu’une déclaration pleine d’autosatisfaction : « Je peux
vous affirmer que je n’ai aucun mea culpa à faire, aucun remords, aucun constat
d’échec. »
Si on peut l’interpréter comme une autoévaluation globale de la part
d’Emmanuel Macron, cette phrase se rapporte en réalité à son choix de ne pas
avoir reconfiné l’Hexagone fin janvier, malgré les préconisations du conseil
scientifique. « Certains nous disaient : “En février vous allez prendre
le mur.” On ne s’est pas pris le mur », a-t-il ajouté dans le
Journal du dimanche le 28 mars.
Une « flambée » à venir
Pourtant, les modèles épidémiologiques qui lui ont été rendus fin janvier
évoquent bien une « flambée » à venir, mais en précisant que
son échéance était « incertaine », pouvant intervenir « durant
les mois de février ou de mars ». « Nous y sommes, et cela aurait
pu être évité avec des mesures strictes prises dès
janvier », affirme Jean-François Timsit, chef du service
réanimation de l’hôpital Bichat, à Paris.
Qu’importe la vérité, pourvu qu’il ne perde pas la face. Et c’est
précisément cela qui inquiète. Le président de la République martèle ses certitudes,
quand bien même l’épidémie de Covid-19, pas avare en surprises et
rebondissements, devrait inspirer l’humilité.
Enjeux électoralistes ?
À moins d’un an de la présidentielle, Emmanuel Macron soigne sa
communication et semble peu enclin à se dédire publiquement, qui plus est en
prenant des mesures impopulaires comme un reconfinement. Mais ses choix ne
doivent pas être guidés par des enjeux électoralistes. La Macronie s’en
défend : « Le choix de ne pas reconfiner a été gagnant en termes de
conséquences sociales, de santé mentale et pour l’économie du pays », assure
Stanislas Guerini, délégué général de LaREM.
Ces arguments sont à prendre en compte et un retour au confinement strict
comme au printemps 2020 serait à nouveau source d’inégalités. La
lassitude des Français face aux restrictions de liberté semble également
échauder l’exécutif, alors que 71 % d’entre eux seraient contre un
reconfinement, selon une enquête Odoxa parue mardi.
Logique économique
Mais « l’opinion » n’est pas la seule source de pression. La logique
économique dicte en grande partie les choix du gouvernement. Et le Medef ne
manque pas de distiller ses conseils en la matière : son président, Geoffroy
Roux de Bézieux, a ainsi tenu à évoquer « les conséquences
économiques d’une fermeture des écoles » et sa volonté de restreindre
le télétravail, mardi sur LCI.
Reste que l’urgence est là. Lundi, 4 974 malades du Covid-19 se trouvaient
en réanimation, soit plus que lors du pic de la deuxième vague d’octobre.
L’Île-de-France connaît des taux d’incidence jamais observés depuis le début de
l’épidémie et ses hôpitaux sont déjà saturés.
Sonnette d'alarme
Dans une tribune publiée dimanche, dans le Journal du dimanche, 41 chefs de service de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris
(AP-HP) tirent la sonnette d’alarme, évoquant un tri des patients
inéluctable. « Macron a fait un pari mais il doit y renoncer, on ne
joue pas avec des vies humaines », déplore Fabien Roussel.
Le secrétaire national du PCF appelle à prendre des mesures sanitaires fortes,
comme une grande partie de l’opposition, ce qui n’était pas le cas en
janvier .
Alors, Emmanuel Macron
s’obstinera-t-il dans sa stratégie de « freiner sa ns
enfermer » ? Il est en tout cas attendu au tournant : qu’il maintienne ses
lignes rouges ou qu’il y renonce, son choix pourra être perçu comme un échec
politique. Le chef de l’État ne le doit qu’à lui-même. Voulant décider tout
seul de tout, muselant le Parlement, voire son gouvernement, le président de la
République devient quasiment le seul comptable de cette crise sanitaire. Maître
des horloges, il prévoyait il y a un mois un assouplissement des mesures « d’ici
quatre à six semaines », misant sur une vaccination des plus vulnérables
qui peine à atteindre ses objectifs. Il doit désormais assumer ces promesses
irréalisables. La tâche est difficile, surtout sans humilité.
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