Stéphane Peu, député PCF de
Seine-Saint-Denis, alerte sur la situation sanitaire dégradée dans son
territoire. Il en appelle à un changement dans la stratégie vaccinale. Il
posera mardi 30 mars une question au gouvernement à ce sujet. Entretien.
Votre département , le plus jeune de France, affiche un taux de
vaccination d’à peine 8 %, contre 11,5 % en moyenne nationalement.
Alors que vous avez alerté la semaine dernière sur le manque de transparence de
ces chiffres, quel regard portez-vous sur cette situation ? Faut-il changer de
doctrine et prioriser les territoires les plus touchés ?
STÉPHANE PEU : D’une manière générale, la Seine-Saint-Denis est
depuis le début de la crise en haut de la courbe épidémique. Si le Covid est
mondial et touche les personnes d’un certain âge, elle est aussi une épidémie
qui creuse les inégalités. Notre département fait face à une forte densité
urbaine et à une grande précarité dans l’habitat. Très peu d’habitants peuvent
télé-travailler, exerçant un métier de la première ou deuxième ligne. Il faut
adapter les mesures aux territoires et aux personnes. Notre département est
l’un des plus touchés mais aussi l’un des moins vaccinés. Ce paradoxe est
insupportable. La vaccination doit s’adresser massivement à tous les habitants.
Ce n’est pas le cas avec Doctolib, qui a conduit à ce que 35 % des
vaccinés en Seine-Saint-Denis n’habitent pas le département. Il faut s’appuyer
sur le service public et notamment la CPAM et les services sociaux des municipalités,
les seuls à pouvoir avoir une démarche de vaccination auprès des publics
concernés. Nous devons élargir les tranches d’âge en direction de tous les
salariés les plus exposés, n’ayant pas le choix d’aller travailler et de
prendre les transports. On ne peut avoir un vaccinodrome au Stade de France et
ne pas développer les centres de vaccination au plus près de la population. Des
villes qui en demandent comme Stains ou Épinay n’en ont toujours pas.
L’épidémie en Seine-Saint-Denis nous oblige à faire feu de tout bois et ne pas
opposer les solutions les unes aux autres.
La situation sanitaire en Seine-Saint-Denis est très préoccupante,
notamment au regard du taux d’incidence dans les écoles. Dans ce territoire
populaire, est-il possible de répondre à l’impératif sanitaire tout en
limitant le risque d’amplification des inégalités scolaires ?
STÉPHANE PEU : Il y a beaucoup
d’inquiétude. Dans de nombreuses écoles, le taux d’incidence est supérieur à la
moyenne du département, alors même que ce dernier est le plus élevé de France.
Une école fermée, c’est plus de fracture sociale et de décrochage scolaire dans
des familles n’ayant pas toujours les moyens numériques et culturels pour faire
face. Il faut donc tout faire pour maintenir les écoles ouvertes. C’est un
choix juste et partagé par l’ensemble de la communauté éducative du
département. Dans ma ville, j’ai une école où il y a un enseignant remplaçant
pour cinq classes. Ce n’est plus l’école mais la garderie. Je vois trois
priorités nécessaires pour maintenir les écoles ouvertes avec une certaine
continuité pédagogique. Tout d’abord, un recours massif aux remplacements,
surtout après que Jean-Michel Blanquer s’est enorgueilli d’avoir réalisé
400 millions d’économies dans ce domaine. Ensuite, vacciner en urgence les
enseignants volontaires. Puis nous devons multiplier les tests salivaires à
l’école pour isoler au mieux les cas positifs.
Emmanuel Macron et le gouvernement envisagent de nouvelles mesures de
restriction. Vous paraissent-elles indispensables et quelles devraient être les
priorités face à cette troisième vague ?
STÉPHANE PEU : Notre salut viendra du vaccin et
donc du développement des campagnes de vaccination. Sur ce sujet nous sommes
tributaires du bon vouloir de l’industrie pharmaceutique. C’est anormal. Nous
devons reprendre la main sur la production des vaccins avec une gestion
publique. Si pour atteindre le seuil de vaccination nécessaire nous devons
prendre des mesures restrictives pour freiner l’épidémie, il faut les mettre en
place. Les Français attendent des perspectives positives. Le port du masque et
les gestes barrières sont très respectés, preuve de leur discipline.
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