lundi 29 mars 2021

« Séparatisme ». Gérald Darmanin, premier pyromane au service de l’Élysée



Lola Ruscio

En s’appropriant les obsessions de l’extrême droite, le ministre de l’Intérieur joue avec le feu. À gauche, nombreux sont ceux qui dénoncent un climat nauséabond, entretenu depuis des mois par le gouvernement.

Pas une minute de répit pour Gérald Darmanin. Entre l’examen au Sénat du projet de loi sur les « sépa- ratismes » et le duel savamment mis en scène la semaine dernière face à la municipalité EELV de Strasbourg, qu’il accuse de flirter avec « l’islam radical », le ministre de l’Intérieur est sur tous les fronts.

Cette méthode bien rodée de l’ancien sarkozyste, qui permet au passage d’occulter la crise sociale, n’est pas nouvelle. Depuis son entrée à Beauvau, Gérald Darmanin – toujours sous le coup d’une enquête pour viol – sature l’espace médiatique de sujets dits régaliens et beaucoup d’islam, qu’il lie volontiers à la lutte contre l’obscurantisme. Avec la nuance qui le caractérise, le ministre s’était dit, en octobre 2020, «  toujours choqué d’entrer dans un hypermarché, de voir qu’il y avait en arrivant un rayon de telles cuisines communautaires ». « C’est comme ça que ça commence, le communautarisme (sic) », avait-il jugé, après avoir revendiqué l’usage du terme « ensauvagement », jusqu’ici utilisé par le parti frontiste.

Le gouvernement veut fracturer la gauche

Puis il est venu donner du crédit aux thèses les plus fantasques de l’extrême droite, en débattant pêle-mêle immigration et islam avec Marine Le Pen sur le plateau de France 2, le 11 février. «  Je vous trouve dans la mollesse. Je trouve que vous êtes plus molle que nous pouvons l’être  », a-t-il lancé à la cheffe du RN, lui déroulant le tapis rouge pour la présidentielle. « Il faut travailler pour le prochain débat présidentiel  », a-t-il dit tranquillement à l’héritière de Montretout, qui se frotte déjà les mains à l’idée d’être la principale adversaire de Macron en 2022. à l’approche de la présidentielle, les provocations de Gérald Darmanin servent surtout de diversion.

Aux oubliettes, les débats sur le « monde d’après » que la gauche appelait de ses vœux pour porter une alternative sociale et écologiste au modèle d’Emmanuel Macron. Alors que la pandémie pousse dans la pauvreté des millions de personnes, la priorité du gouvernement est donnée à la loi sur les « séparatismes » qui détricote nos libertés fondamentales (voir encadré). L’objectif est simple : consolider son électorat droitier, sarkozyste, tout en faisant monter le RN, quitte à calquer son discours sur celui de Marine Le Pen. «  Le pays est malade de son communautarisme et désormais d’un islam politique qui veut renverser les valeurs de la République », avait-il ainsi déclaré, le 28 juillet 2020, dans la Voix du Nord. Surtout, le gouvernement veut fracturer la gauche, en plus de diaboliser une partie de ses opposants politiques.

« EELV est complaisant avec l’islamisme radical  », a martelé, lundi, sur RTL, Marlène Schiappa. La ministre déléguée à la Citoyenneté déambule de plateau en plateau depuis la semaine dernière pour attaquer la municipalité écologiste de Strasbourg sur le projet de financement d’une mosquée. « Manifestement, les Verts ont un problème avec les principes de la République », a-t-elle aussi affirmé sur BFMTV EELV a déjà été la cible, début mars, des locataires de la Place Beauvau à propos des repas sans viande dans les cantines lyonnaises. À l’époque, Gérald Darmanin avait dénoncé sur Twitter une «  idéologie scandaleuse ».

L’addition de ces polémiques, relayées largement par les chaînes d’information en continu, donne des ailes à l’extrême droite. Des militants de l’Action française ont ainsi revendiqué, le 25 mars, l’intrusion violente au conseil régional d’Occitanie, où ils ont pu hurler « mort aux islamo-gauchistes ! », avant d’y laisser une banderole sur laquelle on peut lire : « Islamo-gauchistes traîtres à la France ! » Cerise sur le gâteau, ils ont cité dans leur communiqué la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, renvoyant à la tête de la Macronie ses emprunts à l’extrême droite : « Les universités ne sont pas les seules à être le cheval de Troie de l’islamisme et de l’immigration, pour paraphraser les propos de M me Vidal. » Si Marlène Schiappa a fini par condamner cette « tentative d’intrusion violente », la ministre a aussi relativisé la responsabilité de l’extrême droite en disant que l’attaque émane « vraisemblablement  » de ce côté de l’échiquier politique. Les macronistes se montrent nettement moins précautionneux quand ils fulminent contre les « islamo-gauchistes » que seraient EELV et la France insoumise.

« Notre époque est plus que dangereuse »

À gauche, beaucoup dénoncent un climat haineux, alimenté par le gouvernement. « Merci à Macron, Darmanin et consorts d’avoir mis une cible sur nos poitrines », a vivement dénoncé l’insoumise Myriam Martin, après la tentative d’intrusion de l’organisation royaliste. Pour Vincent Bouget, secrétaire départemental PCF du Gard, la responsabilité du gouvernement est immense : « Voilà où nous mène le débat actuel, orchestré par la droite et des membres du gouvernement… Peut-être que cela pourra en faire réfléchir certains… Notre époque est plus que dangereuse. » Lors de sa campagne présidentielle, le candidat Macron se posait pourtant en rempart face à « la haine, l’exclusion et le repli ». Une promesse à laquelle le président a, semble-t-il, définitivement tourné le dos.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire