Le président de la
République est confronté à une circulation accélérée du virus. Sa gestion
solitaire de la crise, souvent illisible, est durablement condamnée par les
oppositions.
C’est l’histoire d’un confinement qui n’en est pas un, à entendre le
gouvernement. Mais un peu quand même, en tout cas assez pour casser la
propagation du virus… Jeudi, ni le premier ministre, Jean Castex, ni le
ministre de la Santé, Olivier Véran, n’ont une seule fois prononcé le mot de
« confinement ». Pourtant, sur les bandeaux télévisuels qui défilaient à leurs
côtés, était écrit : « Sont confinés 16 départements. » De quoi se faire
des nœuds au cerveau. Tout comme au sujet de l’attestation à remplir pour
sortir de chez soi, alors que les citoyens concernés sont désormais encouragés
à prendre l’air jusqu’à 19 heures « Je vous l’accorde,
l’attestation est complexe », reconnaissait, samedi, Jean Castex,
avant de la retirer en catastrophe : elle n’est ésormais nécessaire qu’en cas
de déplacement au-delà de 10 kilomètres de son domicile, et lors du couvre-feu,
sans quoi un justificatif de domicile suffit.
« Tout cela manque de clarté et arrive bien trop tard »
Ces atermoiements, et cette incompréhension devant ce qui est ouvert et ce
qui ne l’est pas (coiffeurs, fleuristes, grands magasins…), viennent surtout
montrer que l’exécutif a perdu le fil de sa stratégie anti-Covid. Il argue que
l’irruption des variants l’a mis dans une situation impossible. Pourtant, il
fanfaronnait encore il y a peu. Début mars, Emmanuel Macron affirmait, un
sourire dans la voix, qu’il fallait « tenir quatre à six semaines » avant
la levée des restrictions. En janvier, son entourage se félicitait du choix de
l’Élysée de ne pas reconfiner le pays malgré les projections du conseil
scientifique, et retombait dans l’admiration béate d’un chef de l’État qui se
veut démiurge. « Il va finir épidémiologiste », appréciait en
off un ministre, début février. « Il s’est tellement intéressé au Covid
qu’il peut challenger les scientifiques », ajoutait un proche
conseiller. « Un jour, il pourra gagner l’agrégation d’immunologie ! » s’enflammait
encore, fin février, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand.
La crise du Covid, depuis ses débuts, appelle pourtant à la plus grande
modestie dirigeants, scientifiques et commentateurs. Emmanuel Macron l’a
oublié. À quel prix ? Une personne est actuellement admise en réanimation
toutes les quatre minutes, et 350 décèdent chaque jour. Le virus n’est plus
sous contrôle et, aux terribles manquements sur les masques, les tests puis les
vaccins, s’est ajouté le comportement d’un président qui se targue de prendre
des « paris » selon son « intuition ». « Tout
cela manque de clarté, arrive bien trop tard, avec des Français à cran, une
pénurie de vaccins et des soignants à bout… » a ainsi réagi le
secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, au moment de l’annonce des
nouvelles restrictions. « Macron, quel génie de la chienlit ! » s’est
exclamé Jean-Luc Mélenchon. « Ils niaient tout. Ils n’ont donc rien
prévu, rien organisé ! » s’indigne l’insoumis au sujet de l’exécutif.
Tous ne partagent pas cet avis. Il y a quelques jours, le député LaREM
Bruno Bonnell se gargarisait que « le Covid, c’est ce qui est arrivé de
mieux au président. Il s’en trouve renforcé parce qu’il a la confirmation qu’il
est sur la voie à suivre ». Quelle voie ? Celle de la casse des
services publics, de la marchandisation des soins, de la délocalisation des
industries, de l’incapacité ou de l’absence de volonté de faire des vaccins un
bien commun ? Ou alors la voie que lui a rappelée la Cour de comptes, la
semaine dernière : « Depuis 2013 au moins, l’offre de soins critiques a
décroché par rapport aux besoins d’une population française qui
vieillit. » L’institution, qui appelle sans cesse à réduire la dépense
publique, estime que cela ne devait pas se faire sur le dos de l’hôpital. Mais
qu’a fait Macron pour soignants et patients depuis son élection, et
structurellement depuis la première vague du Covid, si ce n’est baisse des
budgets puis des mesurettes médiatiques ? Une autre accusation, plus grave, est
venue de la présidente du groupe PS à l’Assemblée, Valérie Rabault. « Le
28 janvier, le premier ministre nous a présenté une projection affichant
une explosion des contaminations à partir de mi-mars. L’explosion actuelle
n’est donc pas subite : son anticipation a été ignorée ! » s’indigne
la députée. Elle réclame qu’une nouvelle projection, intégrant l’impact des
vaccinations, soit présentée aux parlementaires.
« La transparence dans le cadre d’une telle crise est indispensable »
Et le 17 mars, c’est le député PCF André Chassaigne qui s’étonnait
d’être convoqué à Matignon par Jean Castex pour faire le point sur l’épidémie,
comme l’ensemble des présidents de groupes parlementaires, sans même que la
note du conseil scientifique du 11 mars n’ait été publiée. « Cela
témoigne, une nouvelle fois, du mépris du rôle du Parlement, qui est
systématiquement écarté de toutes les décisions prises dans le cadre de la
crise sanitaire », déplore l’élu, qui précise que « la
transparence dans le cadre de la gestion d’une crise d’une telle ampleur n’est
pas une coquetterie. Elle est indispensable à la compréhension et à la
confiance des citoyens ».
Un point de vue partagé
par EELV, dont les porte-parole Eva Sas et Alain Coulombel appellent à la
création d’une « concertation nationale pour établir un diagnostic partagé
sur la situation sanitaire », avant de planifier une
réponse. La droite fustige de son côté un « nouvel échec de Macron » et
tance son « amateurisme ». Au final, seules les décisions de
maintenir les écoles ouvertes et de permettre aux citoyens confinés de circuler
en plein air pendant plusieurs heures sont saluées par toutes les formations
politiques.
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