À Lyon comme ailleurs en
France, des centaines de salariés du secteur artistique ont manifesté jeudi
pour que l’exécutif s’engage à prendre des mesures drastiques.
Lyon (Rhône), envoyée spéciale.
C’est un triste anniversaire qu’artistes, techniciens et salariés du monde
du spectacle ont tenu à commémorer jeudi un peu partout en France : celui de la
fermeture des lieux culturels sous la pression épidémique. À Lyon, rassemblés
devant la Halle Tony-Garnier, ces monumentaux abattoirs transformés en salle de
concert à la fin des années 1980, plusieurs centaines d’acteurs du monde
culturel local ont manifesté pour ne pas finir sacrifiés comme du bétail. « La
première urgence aujourd’hui, c’est l’urgence sociale. Indépendamment de la
date de réouverture des lieux artistiques, il faut que le gouvernement
s’engage immédiatement », martèle Antoine Galvani, membre du bureau
exécutif du Snam-CGT (Union nationale des syndicats d’artistes musiciens de
France CGT).
Si les intermittents bénéficient d’une « année blanche », c’est-à-dire le
maintien de leurs droits jusqu’au 31 août 2021, ce filet de sécurité
concédé par le gouvernement est loin d’être suffisant. « Ceux qui
n’avaient pas réussi à remplir le quota d’heures pour avoir l’intermittence
n’ont reçu que 1 500 euros au mieux pour toute l’année. Les femmes qui ont
été en congé maternité ou les intermittents qui ont été en arrêt maladie,
notamment longue durée, ne sont eux pas indemnisés. Pour cela, il faut avoir
travaillé 600 heures dans l’année… Pour eux, il n’y a pas de solution ! » dénonce
le militant syndical. « C’est la cinquième ou sixième journée de
concertation qu’on a avec le ministère de la Culture. On a l’impression de se
faire balader, que tous les plans d’aides sont fléchés vers les structures de
production », ajoute-t-il.
Pour la prolongation des droits
Du côté des employeurs, on semble également conscient que la priorité du moment
est sociale. « Nous demandons depuis des mois un plan d’aides à
l’embauche et la prolongation de l’année blanche au-delà du 31 août, car
il y a urgence à protéger les salariés », affirme Muriel Guyon, secrétaire
générale du Synavi (Syndicat national des arts vivants). « Les aides
qui existent servent essentiellement à compenser l’absence de représentations.
Mais on voudrait qu’il y ait une reconnaissance de toutes les autres actions
que l’on mène, notamment en termes de médiation culturelle vis-à-vis de publics
comme dans les prisons, les hôpitaux, les centres sociaux… », souligne-t-elle.
Si la question de la réouverture des lieux culturels n’est donc pas pour le
Synavi la revendication la plus importante dans la période, sa représentante ne
peut s’empêcher de relever le manque de cohérence et l’inégalité de traitement
avec d’autres secteurs. « Le fait que les besoins essentiels pour le
gouvernement consistent à consommer plutôt qu’à fréquenter des lieux culturels
reste difficile à comprendre », pointe-t-elle.
Une demande
d’intervention politique qui va au-delà de cette période de mise sous cloche
sanitaire. « Il risque d’y avoir un effet domino des fermetures de
salles de spectacle au moment de la réouverture », pointe Marie Braun, musicienne
et membre du collectif Action culture Ain, venue avec deux de ses camarades du
département voisin. « Même ceux qui avaient leurs heures
d’intermittence prolongées jusqu’à fin août risquent d’avoir plus de
difficultés à les maintenir par la suite, puisqu’il va y avoir un embouteillage
au niveau de la diffusion. Les grands risquent de manger les moyens, qui
risquent de manger les petits. On ne sait pas encore quelle sera l’étendue des
dégâts », s’inquiète-t-elle. En attendant, elle et sa compagne de duo,
Julie Garnier, continuent de répéter inlassablement, dans l’espoir de retrouver
rapidement un public. Si elles réussissent à garder intact le feu de la
création, l’usure pèse néanmoins sur leur moral. « Depuis un an, on n’a
pas arrêté de travailler, mais avec l’impression de pédaler sans avancer »,
déplore Marie. Manière de conjurer ce sentiment ou envie irrépressible de
trouver une scène, même improvisée, Julie s’empare de la sono pour une reprise
de HK. « Nous, ce qu’on veut, c’est continuer à danser encore ! » chante-t-elle,
embarquant les autres manifestants dans cette mélodieuse revendication.
À paris, des manifestants envahissent l’odéon
Dans la foulée de la manifestation
parisienne qui a rassemblé des milliers de personnes, jeudi, des manifestants,
artistes et techniciens, intermittents du spectacle, du tourisme et de la
restauration, ont envahi le Théâtre national de l’Odéon. Des banderoles ont été
déroulées sur la façade de l’édifice parisien. Elles dénoncent un « gouvernement
disqualifié », les « chômeurs non indemnisés » et
exigent le « retrait des deux lettres de cadrage ». Présente
sur les lieux, l’Humanité a suivi les manifestants à
l’intérieur du théâtre. Les vidéos et interviews sont disponibles sur
l’Humanité.fr.
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