Sénateurs LR et députés
LaREM ont trouvé un accord pour adopter le projet voulu par Gérald Darmanin,
sans passer par une seconde lecture au Parlement.
La proposition de loi de « sécurité globale » est quasi adoptée. Son
parcours législatif a connu un énorme coup d’accélérateur avec l’accord trouvé
lundi soir entre les sénateurs LR et les députés LaREM. L’adoption finale de ce
texte – qui vise à empêcher citoyens et journalistes de filmer la police,
en plus de privatiser des missions de sécurité et de développer le recours aux
drones de surveillance – est désormais une formalité. « Ce n’est
pas une surprise. On sentait bien depuis la semaine dernière que le ministre de
l’Intérieur Gérald Darmanin faisait tout pour obtenir une commission mixte
paritaire conclusive entre le Sénat et l’Assemblée, afin de s’éviter une
deuxième lecture à l’Assemblée et une semaine de débats supplémentaires », dénonce
Emmanuel Vire. Le secrétaire général du SNJ-CGT voit dans cette entente entre
parlementaires LR et LaREM « une alliance insupportable contre les
libertés fondamentales ». « Ils savent très bien que des centaines de
milliers de citoyens se sont élevés contre cette loi, notamment après les
violences policières contre Michel Zecler en fin d’année 2020. Ils savent très
bien qu’un appel signé par des intellectuels du monde entier vient d’être
envoyé à Emmanuel Macron pour qu’il renonce à ce texte, mais ils accélèrent
quand même son processus d’adoption », s’indigne le syndicaliste.
« Un recul global des
droits humains et de la démocratie »
La coordination StopLoiSecuritéGlobale, qui regroupe de très nombreuses
organisations, ne prévoit pas pour autant d’abandonner le combat. « Nous
allons nous mobiliser et nous attendons de pied ferme la date du vote final. Et
nous entendons bien sûr saisir le Conseil constitutionnel », indique
Emmanuel Poupard, premier secrétaire général du Syndicat des journalistes.
D’autant plus que le texte validé entre sénateurs et députés ne « modifie
rien » aux dangers du projet de loi. « Ils avaient promis une
nouvelle rédaction de l’article 24. C’est fait. Mais, en l’état, il sera
toujours utilisé pour empêcher de filmer la police. La nouvelle formulation
parle de “provocation à l’identification”. Mais, sur le terrain, l’ensemble des
forces de police seront toujours juge et partie et pourront interdire de
filmer », prévient Emmanuel Vire.
« Le texte est toujours aussi liberticide. Il a même été durci dans sa
globalité lors de son passage au Sénat et sera aggravé par l’article 18 du
projet de loi s ur les “séparatismes”. Force est de constater que l’opération de
lobbying menée par les syndicats de police et Gérald Darmanin a réussi, au
détriment de tous. C’est une très grave dérive. Si cela passe, nous savons très
bien que des journalistes e t des citoyens seront empêchés de
filmer, interpellés et mis en garde à vue de façon arbitraire », s’alarme
encore Emmanuel Poupard. Pour la coordination, l’heure est donc, plus que
jamais, au retrait de la loi.
Cet accord entre députés et sénateurs intervient au lendemain d’une tribune
signée par des intellectuels du monde entier, exhortant le président de la République
à abandonner les projets de loi de « sécurité globale » et des
« séparatismes ». Des personnalités Angela Davis, Noam Chomsky, Jean Ziegler
et trois prix Nobel de la paix (Tawakkol Karman, Jody Williams et Alfonso
Perez Esquivel), entre autres, s’y inquiètent du « recul » de
la démocratie dans le monde et en France. « La France – berceau
des droits humains tels que promulgués en 1789 – serait-elle en train de
rejoindre le camp des pays où la démocratie est fragilisée par le pouvoir
lui-même ? » interrogent-ils.
Ils affirment également que les deux textes en cause « constituent
des atteintes sans précédent aux piliers de la République française, menaçant
plusieurs droits fondamentaux ». « Quel message d’exemplarité
Emmanuel Macron veut-il envoyer au moment où les popul ations
souffrent d’un recul global des droits humains, des libertés et de la démocratie
dans des dizaines de pays ? » demandent-ils enfin, alertant sur une
accumulation de lois ayant des « effets pervers sur l’État de droit » à
l’œuvre depuis 2015.
Lors des débats au
Sénat, la communiste Éliane Assassi avait prévenu qu’ « une société
sans remise en cause de l’autorité étatique n’est pas acceptable. Votre projet
de société est néfaste, nuisible. Il évoque les pires prédictions, jusque-là
restées au rang de fictions » ! Mais la droite classique et la
Macronie s’entendent pour avancer main dans la main.
Vers une privatisation de la sécurité
La loi de « sécurité globale », au lieu de
protéger policiers et citoyens, protège les premiers au détriment des seconds.
Elle impose aussi la création d’une police municipale à Paris et prévoit le transfert
de nouveaux pouvoirs aux polices locales, lesquelles se substituent de plus en
plus à la police nationale sans avoir ni les moyens, ni les formations
requises. De fait, les missions de service public de sécurité ne seront plus
assurées de la même manière partout sur le territoire. Une pente très
dangereuse, aggravée par d’autres articles de la loi qui prévoient le recours
grandissant au privé pour les missions de maintien de l’ordre…
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