« Relever la
tête », l’éditorial de Maurice Ulrich.
Avec le nez masqué dans le Covid, on en arrive à ne plus voir le paysage.
Les débats politiques ont pris un tour délétère. L’odieuse campagne lancée par
la ministre Frédérique Vidal autour du prétendu islamo-gauchisme n’en finit
pas de faire des vagues avec de multiples répliques. La presse de droite et ses
éditorialistes n’en peuvent plus et on peut s’attendre, avec l’arrivée
aujourd’hui au Sénat du projet de loi sur le « séparatisme », rebaptisé en projet
« confortant le respect des principes de la République », à de nouvelles
surenchères.
Comme dans le monde de George Orwell ou « la guerre, c’est la paix,
la liberté, c’est l’esclavage », on assiste à une véritable perversion
du langage. Le simple fait d’évoquer les colonisations, les discriminations,
les mémoires des oppressions serait devenu la nouvelle figure de
l’intolérance ! Et c’est un ministre de l’Éducation nationale, ayant lui-même
parrainé la création d’un syndicat étudiant croupion et corrompu, qui accuse
l’Unef de n’être pas loin du fascisme ! Ce week-end, la candidate PS aux
régionales en Île-de-France se voit accusée par le candidat de LaREM de
contribuer à « la construction de la pensée raciste », au
simple motif qu’elle comprenait la mise en place de groupes de parole non
mixtes. Le débat politique se déporte toujours plus à droite, mais la gauche
n’est pas épargnée par les écarts, quand on voit à l’occasion des anathèmes se
substituer aux arguments.
Dans ce contexte, la
question d’un report éventuel des élections régionales n’est pas anecdotique.
On voit bien qu’il éviterait à la majorité un nouveau camouflet, en attendant
des jours meilleurs. Mais, de manière plus fondamentale, on ne peut en user
avec les élections comme avec des commerces non essentiels. Nous sommes, en ces
jours, qu’on l’accepte ou non, des mineurs se conformant aux décisions d’en
haut. C’est ce qu’on appelait dans les années 1970 la biopolitique. On s’occupe
de vous, mais avec quelques restrictions de citoyenneté. Le risque serait de
s’y habituer sans relever la tête.
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