L’historien Roger
Martelli publie un essai dédié à la révolution de 1871, ses causes, son
déroulement, ses inventions et son héritage jusqu’à nos jours.
COMMUNE 1871. LA RÉVOLUTION
IMPROMPTUE
Roger Martelli a été élève au lycée Thiers, à Marseille. En mai 1968, il fait partie des étudiants qui le rebaptisent un temps « lycée de la Commune de Paris ». Ce n’est donc pas d’hier que l’historien s’intéresse à cette période passionnante. « Jamais sans doute événement aussi court – soixante-treize jours – n’a laissé tant de traces dans les représentations collectives », écrit-il dans son dernier ouvrage. Avec cet essai baptisé Commune 1871. La révolution impromptue, celui qui est aussi coprésident de l’association des Amies et Amis de la Commune de Paris dresse un regard à la fois scientifique et citoyen sur la révolution de 1871.
« Jamais sans doute événement aussi court – soixante-treize jours – n’a
laissé tant de traces dans les représentations collectives. Roger Martelli
Il se livre bien sûr à un résumé précis des faits, dans toute leur
complexité, permettant de comprendre toujours plus comment est née la Commune,
comment elle a gouverné, ce qu’elle a réalisé, comment elle a été massacrée et
pourquoi son souvenir est aussi fort au moment de commémorer son 150 e anniversaire.
D’où vient que le souffle de la Commune est toujours dans notre dos ?
En 1980, les étudiants coréens de Gwangju se constituent en commune, tout
comme les mexicains d’Oaxaca en 2006 et les universitaires d’Oakland en 2011.
Les Kurdes installent aussi une commune du Rojava en 2014. En France, son nom
refleurit lors de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, pendant Nuit debout puis
lors du mouvement des gilets jaunes. D’où vient que le souffle de la Commune
est toujours dans notre dos ? Roger Martelli nous raconte qui sont les
communards : en 1870, 45 % des Parisiens sont des ouvriers, pour beaucoup
pauvres, et hostiles à un Napoléon III qui vient de tomber. Paris est aussi la
ville des révolutions : 1789, 1830, 1848. Éreintés par le siège de l’armée
prussienne, les habitants de la capitale sont scandalisés par le risque
croissant de voir la III e République sombrer, après la
victoire des monarchistes lors d’élections commandées par l’Empire allemand
pour traiter du prix de la défaite.
« Jamais révolution n’avait plus surpris les révolutionnaires. Benoît Malon, communard
La Commune débouche sur le gouvernement le plus ouvrier de l’histoire du
pays
Paris se soulève quand Thiers tente de lui prendre ses canons. « Jamais
révolution n’avait plus surpris les révolutionnaires », écrit le
communard Benoît Malon, tant le scénario des années 1870-1871 paraît
inimaginable d’un rebondissement à l’autre. Paris est pourtant en ébullition
depuis des mois, traversée par une très forte politisation et les prémices du
mouvement ouvrier. À l’analyse sociologique de la ville, Roger Martelli ajoute
la vitalité du débat démocratique, dans les quartiers, dans les clubs, la
presse, entre hommes et femmes et au sein même de la garde nationale. La
Commune débouche sur le gouvernement le plus ouvrier de l’histoire du pays,
quand l’assemblée de Versailles est la plus aristocratique jamais connue en
France…
La lutte des classes devient guerre civile
Les tentatives de
médiation échouent. La lutte des classes devient guerre civile. Sur les
42 millions de francs dépensés par la Commune, 33 millions sont
attribués à la délégation à la guerre. Ce qui ne l’empêche pas de procéder
aussi à des « basculements sociaux et parfois même civilisationnels », note
Roger Martelli, en ouvrant la porte à l’égalité hommes-femmes, à l’encadrement
des salaires, à l’école gratuite et laïque… Le martyre de la Commune a achevé
de la propulser dans les mémoires. D’horribles procès lui sont pourtant faits,
alors que c’est elle qui a été noyée dans le sang. Mais l’essai de Roger
Martelli démontre une fois de plus que « l’horizon de la Commune n’est
rien d’autre que celui de la République ». Sociale et non
conservatrice.
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