Les négociations ont
repris cette semaine entre les États signataires de l’accord commercial
protégeant, en Europe, les investissements étrangers dans les énergies
fossiles. Plus de 880 000 personnes exigent d’y mettre un terme.
Les négociations sur le traité sur la charte de
l’énergie (TCE) ont repris cette semaine, toujours dans une
discrétion travaillée, quoique sous le feu, cette fois, de la pression citoyenne.
Une pétition exigeant que l’Union européenne et la France s’exfiltrent de cet
accord commercial vieux de plus d’un quart de siècle circule activement sur les
réseaux. Lancée il y a dix jours, elle affichait, ce 3 mars, près de
882 000 signatures au compteur. Plus très loin, de fait, d’atteindre le
million, elle témoigne d’un rejet massif de cette union commerciale, construite
dans le sillage de la première guerre du golfe et de la chute de l’URSS,
aujourd’hui accusée de freiner la lutte contre le réchauffement climatique.
Élaboré en 1994, mis en œuvre à partir de 1998, le TCE visait, à son
origine, à sécuriser les apports énergétiques de l’Europe, secoués par les
séismes géopolitiques de l’époque. Impliquant 53 pays européens et d’Asie,
il protège les investissements étrangers en Europe. Par son biais, les groupes
disposent d’un mécanisme de règlement des différends : tout énergéticien
s’estimant lésé par une politique nationale peut se retourner contre l’État
concerné et le poursuivre devant un tribunal d’arbitrage privé. Cela vaut pour
les producteurs de nucléaire ou d’énergies renouvelables. Cela vaut aussi pour
les producteurs d’énergies fossiles, hautement émettrices de gaz à effet de
serre et nuisibles au climat. Ces derniers ont d’ailleurs gros à défendre. Le
collectif de journalistes Investigate Europe a fait les calculs : les
infrastructures liées aux énergies fossiles en Europe, au Royaume-Uni et en
Suisse, et protégées par le traité valent 344,6 milliards d’euros. En
France, elles pèsent 22,5 milliards d’euros.
Un bras de fer engagé depuis 2019
Plusieurs investisseurs ne se sont, en outre, pas privés d’actionner les
leviers que leur offre le TCE face aux tentatives de mise en œuvre de
politiques climatiques. En 2017, la société britannique Rockhopper a poursuivi
le gouvernement italien pour son refus d’accorder des concessions pour le
forage pétrolier en mer Adriatique. La même année, le groupe pétrolier et
gazier canadien Vermilion a menacé de poursuivre la France pour un projet de
loi visant à mettre fin à l’extraction d’énergies fossiles sur son territoire.
Il y a un mois, le géant allemand RWE a attaqué les Pays-Bas, après leur
décision de fermer deux centrales à charbon (lire notre édition du
9 février).
En 2019, des négociations ont été engagées afin de « moderniser » le TCE.
Depuis, un bras de fer est à l’œuvre entre ceux qui veulent le maintenir en
l’état, ceux qui demandent que le charbon et le pétrole en soient exclus et
ceux qui demandent que l’Union européenne et l’ensemble de ses membres en
sortent.
Parmi les pays
signataires, seules la France et l’Espagne figurent, pour l’heure, dans ce
dernier ensemble – encore est-ce timidement. Les pays d’Europe centrale,
dont les économies sont extrêmement dépendantes des énergies fossiles et par ailleurs
peu aidés dans leur transition, veulent le statu quo. La Commission européenne,
elle, a récemment mis un compromis sur la table, lequel propose d’exclure du
TCE les énergies fossiles… mais dans dix à vingt ans. Son extension à d’autres
pays, singulièrement en Afrique, est par ailleurs au menu des
discussions. « Il n’y a rien à attendre de cette “modernisation”
discutée depuis deux ans », résume Manon Aubry, eurodéputé de la GUE
(Gauche unitaire européenne), engagée dans la bataille contre « ce
traité obsolète ». « Notre seul vrai atout pour gagner, c’est la
pression citoyenne. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire