Sans trop s’avancer, on peut déjà dire que
l’affaire de Trappes est un modèle du genre. Un modèle de cette manipulation
politique navrante dont les quartiers populaires font régulièrement l’objet. Le
scénario, malheureusement récurrent, est toujours mâtiné d’obsessions
personnelles et d’arrière-pensées électorales, nourri par un emballement
médiatique qui se conclut invariablement sur le dos des habitants. Eh bien,
nous y sommes.
Depuis deux semaines, l’engrenage est à
l’œuvre autour de cette commune des Yvelines. Le professeur de lycée, proche du
Printemps républicain, qui se démultiplie dans les médias pour dépeindre
une « ville complètement perdue » sous la coupe de l’islamisme
et son « emprise communautaire ». Le maire, qui se démène, plus ou
moins maladroitement, pour ramener ces propos à leur juste proportion. Et
derrière, le long cortège de la droite locale et nationale – de Pécresse à
Darmanin en passant par Blanquer – qui, agendas électoraux en tête, se pousse
du col sur les plateaux et les réseaux sociaux, trop heureux de braconner sur
les terres d’extrême droite et de jouer à bon compte les remparts à l’islamisme
radical. Derrière ce cynisme d’opérette, nuance et objectivité n’ont plus droit
de cité. On déforme plus que l’on informe. Et – vous voulez parier ? – une fois
la « séquence » passée, on laissera ces quartiers au point mort.
Cette stratégie clivante et aveuglée est dévastatrice.
Elle sape en quelques jours la fragile image de toute une ville, avec ses
conséquences en chaîne, à commencer par la discrimination, à l’heure de
s’inscrire sur Parcoursup ou de chercher du boulot dans une ville où le taux
de chômage est deux fois supérieur à la moyenne nationale. Mais, surtout, elle
n’aide en rien à s’attaquer au cœur du sujet. Au contraire. La surenchère et la
provocation haineuse sont un carburant de luxe pour les extrémistes islamistes
que l’on prétend combattre. Leur propagande – bien réelle – s’alimente de
l’échec des politiques d’intégration économique et sociale, d’une République
qui abandonne plus qu’elle n’est abandonnée. Le « séparatisme » doit se
combattre sur ce terrain-là. Avec plus de moyens. Et moins de manipulation.
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