Le débat politique en France semble bien
se porter. Jeudi soir, une émission phare du service public a organisé une
confrontation entre deux élus de premier rang. Si on voulait ratiociner, on
soulignerait qu’il ne s’agissait que d’une sorte de débat interne entre la
droite extrême et l’extrême droite. À l’heure où ces lignes étaient écrites, la
joute n’avait pas encore eu lieu mais il ne fallait pas être grand clerc pour
en deviner le contenu. « Non, c’est moi, consultez les archives, jugez
par l’antériorité », a attaqué la présidente du RN. « Mais,
pas du tout, c’est moi, regardez ma loi », aura rétorqué le ministre
de l’Intérieur. France 2 avait cadré cette « émission exceptionnelle » autour
d’un fallacieux triptyque (laïcité, sécurité, immigration), offrant à la cheffe
de l’extrême droite un match sur son propre terrain face à un ministre qui met
toute son énergie à convaincre que lui ne se contente pas d’utiliser les mêmes
mots (« ensauvagement », « séparatisme »), mais qu’il les
met en actes.
« Lepénisation des élites » : la formule
du sociologue Ugo Palheta, cette semaine dans nos colonnes, prend tout son
sens. Elle est accélérée – facilitée ? – par le choix tactique de la Macronie :
Marine Le Pen au second tour, c’est l’assurance tous risques pour leur
champion. La récente batterie de sondages – pour ce qu’ils valent à telle
distance de l’échéance – dit néanmoins l’enracinement des idées d’extrême
droite dans la société française, à moins que ce ne soit – aussi – l’immense
lassitude d’électeurs qui se sentent éternellement pris au piège d’une
alternance aux nuances de plus en plus indistinctes.
Le pari macroniste relève d’une immense bulle
spéculative. On n’insistera pas plus sur le risque d’explosion de cette
« triangulation », l’aspiration des idées de l’adversaire afin de le priver de
sa sève. Bill Clinton en a été le maître, avec le soutien du sénateur Joe
Biden. Ce dernier a sans doute compris une chose de son long et consensuel
parcours : on ne combat pas l’extrême droite en empruntant ses idées et armes.
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