lundi 22 février 2021

« Diversion », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



De la traque du prétendu islamo-gauchisme à l’université à la dénonciation des repas végétariens dans les cantines lyonnaises en passant par une laïcité revue et corrigée, on croirait lire dans les causes que se choisit le gouvernement les gros titres de certains hebdomadaires : « Gauchos, écolos, anti-fachos, à bas les nouveaux censeurs qui veulent imposer leur idéologie ». Comme un syncrétisme des couvertures de Mariannele Pointle Figaro Magazine et Valeurs actuelles, plus cohérent qu’il n’y paraît. Il ne manque que la diatribe contre les féministes et les syndicats.

Nul hasard dans cette compilation d’apparence éclectique. Dans un pays en proie aux doutes face à l’avenir qui se dérobe, miné par des inégalités décuplées depuis la pandémie, et alors que les crises multiples que nous vivons invitent à de profondes remises en cause préludes aux grands changements, toute étincelle peut mettre le feu aux poudres. Dans ce contexte, le gouvernement a choisi son parti, celui d’exciter toutes les divisions. L’entreprise est d’autant plus aisée qu’elle appuie sur une faiblesse de la gauche : sa propension à perdre de vue le commun combat pour s’abîmer dans ses querelles.

Cela prêterait à rire, s’il ne s’agissait en réalité de faire diversion des graves problèmes de l’heure auxquels l’exécutif n’apporte aucune réponse. La misère noire dans laquelle sombrent des milliers d’étudiants n’étant pas le moindre d’entre eux. De quoi sont coupables, au fond, ceux que le gouvernement désigne pêle-mêle à la vindicte publique ? De s’engager pour plus d’égalité et de fraternité entre tous, plus de liberté pour chacun de choisir sa vie plutôt que la subir. Leur combat ne rétrécit l’horizon de personne : au contraire, il élargit les possibles. Mais justement parce qu’ils sont des empêcheurs de dominer, discriminer, exploiter sans gêne, ils sont la bête noire des Darmanin, Vidal, Blanquer et consorts. Conservateurs de tout poil et de tout bord, déçus de la gauche, de la droite et de l’extrême droite, unissez-vous : tel est le credo de ceux-là pour rester au pouvoir. Les élections de juin peuvent être une première occasion de les mettre en échec. 

 

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