mardi 23 février 2021

Crise. Le Covid, un test pour notre système démocratique



Lola Ruscio

Vote anticipé pour 2022, flou persistant autour des élections intermédiaires… L’exécutif tâtonne en réformant les scrutins à venir. Pourtant, des propositions existent pour revitaliser notre démocratie.

La démocratie est mise à rude épreuve par le coronavirus. Après les élections municipales de mars et juin 2020, frappées par un taux d’abstention historique, l’incertitude plane toujours sur la tenue des scrutins locaux pour l’heure prévus en juin. Le gouvernement remettra au Parlement, le 1er avril, un rapport sur « les risques sanitaires attach és à la tenue du scrutin et de la campagne électorale » sur la base de l’avis du Conseil scientifique. « Le report des dates des élections départementales et régionales (au-delà du mois de juin – NDLR) irait à l’encontre de la Constitution », avait toutefois prévenu, le 27 janvier, devant les députés, Jean-Louis Debré, l’ancien président du Conseil constitutionnel.

Face aux incertitudes sanitaires et à l’abstention qui ne fait que s’amplifier de scrutin en scrutin, l’exécutif n’a décidé d’intervenir qu’à la marge sur les modalités d’un autre rendez-vous majeur, la prochaine élection présidentielle. Dans son projet de loi concernant le scrutin de 2022, qui compte des mesures comme la généralisation du vote par correspondance pour les détenus ou la déterritorialisation des procurations, un amendement s’est fait remarquer. Glissé en dernière minute par le gouvernement au Sénat, il instaure pour la première fois le vote par anticipation pour 2022. Concrètement, tous les électeurs se rendraient dans des bureaux, où leur suffrage serait effectué sur une machine à voter, à une « date fixée par décret, durant la semaine précédant le scrutin », selon l’exposé des motifs du texte.

« Il y a un attachement fort aux institutions locales »

Derrière ce projet gouvernemental, se cachent plusieurs pièges. « La question de la rupture d’égalité entre les électeurs se pose, tant ce projet va rimer avec le développement d’inégalités territoriales : a priori, on devrait avoir un seul bureau par département ou par préfecture », décrypte le sociologue Jérémie Moualek, ajoutant qu’ « après deux siècles de socialisation au vote par bulletin, passer à la machine électronique va accroître les inégalités face à la technique ». Et de poursuivre : « Il risque aussi d’y avoir une rupture d’égalité entre les candidats : le vote anticipé va rogner des jours de campagne médiatique. Enfin, si les machines à voter ont été autorisées dans les années 1960, et ne concernent aujourd’hui que 60 communes, c’est qu’il y a beaucoup de problèmes techniques et des risques de fraude. » Finalement, l’amendement a été largement rejeté par la Chambre haute, dominée par la droite, mais pourrait faire son retour lors de la nouvelle lecture du texte à ­l’Assemblée en mars.

Officiellement, l’initiative visait à limiter l’abstention, révélatrice d’une profonde lassitude des citoyens à l’égard d’un système démocratique asphyxié par le présidentialisme. Selon le « Baromètre de la confiance politique » du Cevipof, publié le 22 février, 55 % des Français estiment que notre démocratie ne fonctionne pas très bien. Seuls 39 % ont confiance dans le Sénat et 38 % dans l’Assemblée nationale. Le taux baisse légèrement concernant « l’institution présidentielle » (37 %) et le gouvernement (35 %). « On est toujours dans une situation très critique par rapport à d’autres pays européens vis-à-vis du personnel politique, analyse Luc Rouban, chercheur au Cevipof. Le malaise démocratique est toujours très profond. Il imprègne l’évaluation de la politique sanitaire, avec des taux de confiance qui ne dépassent pas les 36 %. »

L’étude indique aussi que les citoyens aspirent à une meilleure prise en compte de leurs opinions. Ainsi, les deux tiers des personnes interrogées pensent que la démocratie fonctionnerait mieux si les citoyens participaient davantage aux décisions politiques. Et 84 % estiment qu’une bonne façon de gouverner le pays est d’avoir un système politique démocratique. En parallèle, 64 % des Français ont confiance dans leur conseil municipal (+ 4 points) ; 56 % dans leur conseil régional et départemental (respectivement + 7 et + 6 points). « Il y a un attachement fort aux institutions locales, une défense très claire du système démocratique, mais aussi une attente de respiration démocratique, c’est indéniable », mesure encore Luc Rouban.

Pour revitaliser notre système démocratique, des propositions existent. La réponse passe, par exemple, par une réforme du mode de scrutin majoritaire à deux tours. «  Depuis le début de la V République, le pourcentage en inscrits obtenus par tous les élus ne fait que baisser, rappelle Jérémie Moualek. Adopter des scrutins qui permettent plus de représentativité de tous les partis, dont ceux qui font des hauts scores au premier tour, c’est une priorité. » L’introduction d’une dose de proportionnelle aux législatives était une promesse de campagne du candidat Macron. Mais son parti présidentiel plaide désormais pour une mise en œuvre après 2022, quand la gauche progressiste se dit globalement favorable à cette mesure réclamée de longue date.

La prise en compte du vote blanc et nul, qui n’est pas reconnu dans les suffrages exprimés, pourrait également être une des clés pour sortir de la crise démocratique actuelle, selon le sociologue Jérémie Moualek. « L’élection redeviendrait ainsi davantage un moyen – faire valoir son opinion –, qu’un but – élire un candidat  », ­résume-t-il dans une tribune au Monde.

D’autres propositions ont été formulées pour lutter contre l’abstention. À l’instar de l’une des revendications phares des gilets jaunes : le référendum d’initiative citoyenne (RIC). La création de ce « référendum populaire » vise à rédiger des propositions de loi, à condition que celles-ci recueillent 700 000 signatures. Si le chiffre est atteint, ce texte «  devra être discuté, complété, amendé par l’Assemblée nationale qui aura l’obligation (un an jour pour jour après l’obtention des 700 000 signatures), de la soumettre au vote de l’intégralité des Français. » Cette revendication n’a jamais trouvé le moindre écho auprès du gouvernement, qui reste réfractaire aux aspirations démocratiques portées par les mouvements sociaux.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire