Vote anticipé pour 2022, flou persistant autour des
élections intermédiaires… L’exécutif tâtonne en réformant les scrutins à venir.
Pourtant, des propositions existent pour revitaliser notre démocratie.
La démocratie est mise à rude épreuve par
le coronavirus. Après les élections municipales de mars et juin 2020, frappées
par un taux d’abstention historique, l’incertitude plane toujours sur la tenue
des scrutins locaux pour l’heure prévus en juin. Le gouvernement remettra au
Parlement, le 1er avril, un rapport sur « les risques sanitaires
attach és à la tenue du scrutin et de la campagne
électorale » sur la base de l’avis du Conseil scientifique. « Le
report des dates des élections départementales et régionales (au-delà
du mois de juin – NDLR) irait à l’encontre de la
Constitution », avait toutefois prévenu, le 27 janvier, devant
les députés, Jean-Louis Debré, l’ancien président du Conseil constitutionnel.
Face aux incertitudes sanitaires et à
l’abstention qui ne fait que s’amplifier de scrutin en scrutin, l’exécutif n’a
décidé d’intervenir qu’à la marge sur les modalités d’un autre rendez-vous
majeur, la prochaine élection présidentielle. Dans son projet de loi concernant
le scrutin de 2022, qui compte des mesures comme la généralisation du vote par
correspondance pour les détenus ou la déterritorialisation des procurations, un
amendement s’est fait remarquer. Glissé en dernière minute par le gouvernement
au Sénat, il instaure pour la première fois le vote par anticipation pour 2022.
Concrètement, tous les électeurs se rendraient dans des bureaux, où leur
suffrage serait effectué sur une machine à voter, à une « date fixée
par décret, durant la semaine précédant le scrutin », selon l’exposé
des motifs du texte.
« Il y a un attachement fort aux institutions locales »
Derrière ce projet gouvernemental, se
cachent plusieurs pièges. « La question de la rupture d’égalité entre
les électeurs se pose, tant ce projet va rimer avec le développement
d’inégalités territoriales : a priori, on devrait avoir un seul bureau par
département ou par préfecture », décrypte le sociologue Jérémie
Moualek, ajoutant qu’ « après deux siècles de socialisation au vote par
bulletin, passer à la machine électronique va accroître les inégalités face à
la technique ». Et de poursuivre : « Il risque aussi d’y avoir une
rupture d’égalité entre les candidats : le vote anticipé va rogner des jours de
campagne médiatique. Enfin, si les machines à voter ont été autorisées dans les
années 1960, et ne concernent aujourd’hui que 60 communes, c’est
qu’il y a beaucoup de problèmes techniques et des risques de fraude. » Finalement,
l’amendement a été largement rejeté par la Chambre haute, dominée par la
droite, mais pourrait faire son retour lors de la nouvelle lecture du texte à l’Assemblée
en mars.
Officiellement, l’initiative visait à
limiter l’abstention, révélatrice d’une profonde lassitude des citoyens à l’égard
d’un système démocratique asphyxié par le présidentialisme. Selon le
« Baromètre de la confiance politique » du Cevipof, publié le 22 février,
55 % des Français estiment que notre démocratie ne fonctionne pas très
bien. Seuls 39 % ont confiance dans le Sénat et 38 % dans l’Assemblée
nationale. Le taux baisse légèrement concernant « l’institution
présidentielle » (37 %) et le gouvernement (35 %). « On
est toujours dans une situation très critique par rapport à d’autres pays
européens vis-à-vis du personnel politique, analyse Luc Rouban,
chercheur au Cevipof. Le malaise démocratique est toujours très
profond. Il imprègne l’évaluation de la politique sanitaire, avec des taux de
confiance qui ne dépassent pas les 36 %. »
L’étude indique aussi que les citoyens
aspirent à une meilleure prise en compte de leurs opinions. Ainsi, les deux
tiers des personnes interrogées pensent que la démocratie fonctionnerait mieux
si les citoyens participaient davantage aux décisions politiques. Et 84 %
estiment qu’une bonne façon de gouverner le pays est d’avoir un système
politique démocratique. En parallèle, 64 % des Français ont confiance dans
leur conseil municipal (+ 4 points) ; 56 % dans leur conseil
régional et départemental (respectivement + 7 et
+ 6 points). « Il y a un attachement fort aux institutions
locales, une défense très claire du système démocratique, mais aussi une
attente de respiration démocratique, c’est indéniable », mesure encore
Luc Rouban.
Pour revitaliser notre système
démocratique, des propositions existent. La réponse passe, par exemple, par une
réforme du mode de scrutin majoritaire à deux tours. « Depuis le début
de la Ve République, le pourcentage en inscrits
obtenus par tous les élus ne fait que baisser, rappelle Jérémie
Moualek. Adopter des scrutins qui permettent plus de représentativité
de tous les partis, dont ceux qui font des hauts scores au premier tour, c’est
une priorité. » L’introduction d’une dose de proportionnelle aux
législatives était une promesse de campagne du candidat Macron. Mais son parti
présidentiel plaide désormais pour une mise en œuvre après 2022, quand la
gauche progressiste se dit globalement favorable à cette mesure réclamée de
longue date.
La prise en compte du vote blanc et nul,
qui n’est pas reconnu dans les suffrages exprimés, pourrait également être une
des clés pour sortir de la crise démocratique actuelle, selon le sociologue
Jérémie Moualek. « L’élection redeviendrait ainsi davantage un moyen
– faire valoir son opinion –, qu’un but – élire un candidat »,
résume-t-il dans une tribune au Monde.
D’autres propositions ont été formulées pour lutter
contre l’abstention. À l’instar de l’une des revendications phares des gilets
jaunes : le référendum d’initiative citoyenne (RIC). La création de ce
« référendum populaire » vise à rédiger des propositions de loi, à condition
que celles-ci recueillent 700 000 signatures. Si le chiffre est atteint,
ce texte « devra être discuté, complété, amendé par l’Assemblée
nationale qui aura l’obligation (un an jour pour jour après l’obtention des
700 000 signatures), de la soumettre au vote de l’intégralité des
Français. » Cette revendication n’a jamais trouvé le moindre écho
auprès du gouvernement, qui reste réfractaire aux aspirations démocratiques
portées par les mouvements sociaux.
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