Le jeune laboratoire de recherche OSE
Immunotherapeutics pense avoir trouvé un « vaccin pour la vie », efficace
contre le Covid et ses variants. Il pourrait être produit début 2022. Si les
acteurs publics ne manquent pas le coche de l’industrialisation... EXPLICATIONS.
Dans leur laboratoire situé sur les bords
de la Loire, à quelques kilomètres des locaux de leur concurrent Valneva, les
chercheurs d’OSE Immunotherapeutics développent aussi un vaccin contre le
Covid-19.
À entendre la direction de cette jeune
entreprise nantaise, le sérum, s’il franchit les prochaines étapes cliniques,
pourrait aider à sortir de la crise sanitaire durablement, puisqu’il est conçu
pour être efficace pendant plusieurs années.
Anticiper les mutations
Ce vaccin, nom de code CoVepiT, a été
imaginé par le laboratoire dès le printemps dernier. « On s’est
demandé : “Qu’est-ce qu’on peut amener de différencié pour lutter contre le
Covid-19” », se remémore Alexis Peyroles, directeur général d’OSE
Immunotherapeutics. Cette entreprise spécialisée, comme son nom l’indique, dans
l’immunothérapie a imaginé un vaccin réutilisant la même technologie que son
produit phare : un vaccin thérapeutique contre le cancer du poumon, en cours de
développement.
On a utilisé la bio-informatique pour établir un
cocktail qui soit efficace contre les variants.
ALEXIS
PEYROLES, directeur général d’OSE Immunotherapeutic
L’idée des chercheurs nantais a été
d’anticiper les mutations du virus en analysant des centaines de milliers de
séquences génomiques du coronavirus, qui mutait dès le début de sa propagation.
Des séquences précieuses, disponibles publiquement grâce à la recherche
universitaire.
« Il y avait beaucoup de publications sur
le génome du virus. On a utilisé la bio-informatique pour établir un cocktail
qui soit efficace contre les variants » ,
précise Alexis Peyroles.
Un financement de 5,2 millions d’euros
OSE Immunotherapeutics a répondu, sur la
base de ce projet de recherche, à l’appel lancé en avril par la Banque publique
d’investissement et le gouvernement pour lutter contre le Covid-19.
Sélectionnée parmi les bénéficiaires, l’entreprise s’est vu octroyer un
financement de 5,2 millions d’euros (mixant avances remboursables et
subventions). Il couvre 80 % des dépenses nécessaires aux essais cliniques
de phases 1 et 2, qui devraient commencer à la fin du mois de mars, et pourrait
être complété de 600 000 euros en cas d’entame de la troisième phase.
Priorité du public français ?
Si les essais à venir confirment
l’efficacité et la sécurité de ce vaccin, la France, qui a déjà mis la main au
porte-monnaie pour soutenir ce projet, en récoltera-t-elle les fruits ? Cette
question se pose d’autant plus que la BPI, actionnaire du laboratoire
franco-autrichien Valneva, n’a pas influé sur la stratégie de la firme, dont
les doses vaccinales seront destinées en priorité au Royaume-Uni.
Dans le cas du vaccin OSE qui pourrait
être produit début 2022, les accords entre la BPI, le secrétariat général à
l’investissement et le laboratoire prévoient une priorité du public français
sur l’accès au vaccin, mais au conditionnel. Car ce fléchage de la production
vers la France dépendra in fine du bon vouloir de la direction.
Manque de conditionnalité
Si une clause du contrat de financement
prévoit bien un remboursement des fonds avancés par l’investisseur public
directement en doses, elle n’a rien d’obligatoire. « L’État pourra se
voir accorder un droit préférentiel d’accès aux résultats du projet »,
peut-on lire dans les documents de la BPI. « Cela pourra prendre la
forme, par exemple, d’un accès aux produits finaux développés. Dans le cadre de
la lutte contre l’épidémie de Covid-19, ce sera la modalité privilégiée de
retour pour l’État. »
Ce manque de conditionnalité est assez
caractéristique des aides publiques accordées aux laboratoires de recherche
privés. « C’est toujours le même problème. Pour la plupart des
candidats vaccins en phase 3 qui approchent de l’industrialisation, on se rend
compte qu’il y a peu de conditionnalité, dénonce Pauline Londeix,
cofondatrice de l’Observatoire pour la transparence des médicaments. Et
il n’y a pas vraiment de leviers mis en œuvre par les États pour inciter les
laboratoires à respecter leurs contrats. »
Une production sur le territoire
Le directeur d’OSE Immunotherapeutics
confirme, pour l’instant, que la France sera prioritaire pour obtenir
d’éventuelles doses du vaccin CoVepiT. « L’idée initiale (était) de
prévoir d’abord 70 à 100 millions de doses pour la France, précise-t-il. On
a des discussions en cours avec nos sous-traitants sur la possibilité
d’atteindre cette échelle de production. » Les sites de production
identifiés par la firme, pour le moment, sont situés sur le territoire
français. Un avantage sachant que la localisation écossaise des sites de
production du vaccin de Valneva est une des explications de l’accès
préférentiel qu’auront les Britanniques sur ce sérum.
Innovation et stratégie
L’avenir du vaccin nantais, présenté comme
une solution de taille face à la multiplication des variants, dépendra donc de
la stratégie adoptée par OSE Immunotherapeutics quand il s’agira de préparer
l’industrialisation du produit. « On pourra envisager
l’industrialisation grâce à des financements français, européens et/ou en
établissant des partenariats avec des groupes pharmaceutiques », prévient
le directeur du laboratoire nantais. Quant à la solution que privilégiera son
entreprise le moment venu, il préfère ne pas se prononcer : « Il y a un
moment où l’innovation doit passer par des partenaires. On verra selon ce qui
se présente. »
Pour Pauline Londeix, si les résultats des
prochains essais cliniques confirment l’efficacité du vaccin, les autorités
sanitaires devront se saisir du dossier pour évaluer l’accompagnement possible
de la firme. Sans oublier de conditionner d’éventuelles aides supplémentaires.
Critique de la façon dont la recherche vaccinale a été
amorcée à l’échelle française et européenne, cette militante reste pessimiste
sur la façon dont l’État gérera les prochains rebondissements. « Si ce
candidat vaccin est efficace, il y a un risque que les décisions soient prises
au dernier moment, avec l’impression qu’on ne veut pas froisser Sanofi, qui a
pris du retard sur son propre vaccin. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire