Dernière année complète du quinquennat, 2021 devrait
signer le retour « à la normale » macroniste, avec un calendrier de réformes
antisociales marquées à droite, et, dans le viseur, la réélection du chef de
l’État en 2022.
Pas plus qu’au père Noël, il ne fait bon
croire au « monde d’après » de la Macronie. À regarder le calendrier de
réformes à venir, 2021 risque fort d’aller dans le même sens qu’avant. Alors
certes, il y a ce référendum constitutionnel pour le climat, dont on peine à
entrapercevoir les effets concrets au-delà de la tentative de plébiscite
présidentiel à moins d’un an de l’élection. Mais, pour le reste, Emmanuel
Macron compte reprendre ses habitudes. Le « printemps 2021 », voilà
l’horizon fixé par le président lors de ses vœux aux Français, au-delà duquel
nous devrions être tirés des effets actuels de l’épidémie. Il s’agira ensuite
de bâtir « les réponses qui permettront de ne pas faire (de la dette du
Covid) un fardeau pour les générations futures ».
De l’austérité et de la « flexibilité »,
bref les vieux pots néolibéraux. Sur le front social, l’exécutif prépare le
retour de la réforme de l’assurance-chômage et celui, possible, de celle des
retraites. Mais il n’y a pas que le modèle social que l’exécutif s’apprête à
mettre en pièces : les collectivités locales vont subir la loi « 4D », qui
démantèle la République une et indivisible en généralisant le principe de
« différenciation territoriale ».
Surtout, s’il a beau jouer les modestes en
affirmant que les décisions liées à la pandémie pourraient l’empêcher « d’être
candidat », le président est déjà en campagne pour sa réélection. Pour
cela, il s’agira d’incarner l’ordre et le régalien. Ce sera le cas avec le
contesté projet de loi « confortant les principes républicains ». Emmanuel
Macron compte aussi poursuivre sa lancée sécuritaire aux accents sarkozystes.
Désormais dans les mains de la droite sénatoriale, la proposition de loi
« sécurité globale » n’est pas abandonnée par la Macronie, qui attend son
retour à l’Assemblée pour artiller à nouveau contre les libertés publiques. Tout
un programme.
1/ Le tout-sécuritaire, fil rouge de la fin de mandat
Crise politique puis institutionnelle,
manifestations massives dans toute la France, cacophonie dans les rangs de la
majorité : la proposition de loi « sécurité globale » a été le feuilleton de la
fin d’année. Dès début 2021, elle fera son retour pour une saison 2 qui
promet d’être tout aussi problématique du point de vue des libertés publiques.
L’Assemblée l’a votée en première lecture ; le Sénat l’examinera en commission
fin janvier avant d’en débattre en séance à partir de mars. La droite,
majoritaire au palais du Luxembourg, partage pleinement l’objectif de mieux
protéger les policiers mais compte « mettre de l’ordre dans un désordre
de forme, de méthode et d’écriture », selon les mots du corapporteur
(LR) du texte. En clair, les sénateurs vont réécrire le texte avant que la
navette parlementaire ne le renvoie au Palais Bourbon pour un nouvel examen.
Une réécriture qui concernera au premier chef l’article 24 qui vise à
limiter les possibilités de filmer les policiers et les gendarmes. La droite
compte le fusionner avec une disposition du projet de loi « confortant
les principes républicains ». En attendant d’avoir à nouveau la main,
la Macronie a aussi promis de plancher sur une nouvelle écriture de ce même
article 24. Au-delà, cette proposition de loi, contestée jusqu’à l’ONU,
prévoit la généralisation des drones, la privatisation de certaines compétences
de police et l’accroissement des pouvoirs des polices municipales.
Fin janvier, se tiendra aussi un Beauvau
de la sécurité. Une façon d’apaiser les tensions entre syndicats de police et
gouvernement après que Macron, du bout des lèvres, a reconnu l’existence
des « violences policières ». Ce rendez-vous, censé réformer
la police pour « améliorer les conditions d’exercice » du
métier et « consolider » ses liens avec les Français, devrait
être piloté par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
2/ Chômage, retraites : les réformes déterrées
La pauvreté et la précarité ont augmenté
en 2020… la casse sociale va s’accélérer en 2021 ! Entre réformes restées au
placard pendant la crise et nouveaux textes, le gouvernement veut aller vite
sur la « transformation du modèle social », un an avant les
échéances électorales. La réforme des retraites pourrait ainsi faire son
retour, après avoir été imposée par 49-3 le 29 février dernier, à la veille de
l’épidémie de Covid-19, qui a obligé son report. Il s’agit d’une « priorité
absolue » pour Bruno Le Maire, tandis que la ministre du Travail,
Élisabeth Borne, a plutôt mis en avant celle de « protéger les
emplois ». C’est de cette façon qu’elle justifie sa réforme de
l’assurance-chômage, ayant pour but principal de réaliser 2,4 milliards
d’euros d’économies sur le dos des demandeurs d’emploi. Élaborée en novembre
2019 et modifiée en 2020, elle sera entièrement appliquée le 1er avril
2021, selon l’exécutif, malgré l’opposition des syndicats. Alors que le nombre
de chômeurs explose, ceux-ci verront principalement le mode de calcul de leurs
droits évoluer, à condition que le gouvernement emporte en début d’année un
bras de fer amorcé avec le Conseil d’État, qui a émis des réserves. Dans une
étude publiée le 6 novembre, l’Unédic, organisme de gestion paritaire de
l’assurance-chômage, prévoit des pertes de droits pour 1,2 million de
personnes en un an si ces mesures s’appliquaient.
La santé au travail fera aussi l’objet
d’une grande réforme. Le 9 décembre, malgré l’avis défavorable de la CGT,
syndicats et patronat ont conclu un accord national interprofessionnel (ANI).
Il sera suivi par une proposition de loi en 2021, sans réelles avancées pour
les salariés a priori, notamment dans la prise en compte des risques
psychosociaux ou professionnels, tandis que la médecine du travail pourrait
être progressivement transférée à la médecine de ville, affaiblissant ainsi la
responsabilité des employeurs. Enfin, le statut des « travailleurs de
plateformes » (type Uber) pourrait être revu, le gouvernement
prévoyant de plancher sur leur protection sociale, aujourd’hui quasi inexistante.
3/ L’inflammable débat sur les « séparatismes »
La loi « séparatisme », annoncée le
2 octobre par le discours des Mureaux, a finalement été présentée le
9 décembre. Mais, entre-temps, l’assassinat terroriste du professeur
Samuel Paty, le 16 octobre, a considérablement modifié le climat politique
du pays et le contenu du projet de loi « confortant le respect des
principes républicains ». Exit le volet social, renvoyé aux calendes
grecques. Place à un nouvel arsenal répressif qui permet au chef de l’État de
se positionner comme garant de « l’ordre républicain », une
dangereuse dérive sémantique. La loi, elle, ne fait pas dans le détail :
examinée au Parlement dès février prochain, elle prévoit notamment un contrôle
accru pour les associations, toute subvention entraînant un « engagement
de l’association à respecter les principes et valeurs de la République ». Surtout,
l’État veut s’arroger le pouvoir de les dissoudre plus facilement, via les
préfets. Le texte modifiera les règles de la loi 1901 pour inciter les
associations musulmanes à basculer vers le régime de la loi 1905, qui régit les
relations entre les cultes et l’État. Les articles 4 et 5 veulent
aussi établir une nouvelle infraction afin de protéger les agents de l’État
des « menaces, violences ou intimidations », mais la
formulation laisse craindre un usage plus large que le but affiché. La loi
signe le retour d’une marotte de la Macronie : la lutte contre « la
haine en ligne », que portait déjà la loi Avia mais qui avait été
retoquée par le Conseil constitutionnel. Le texte porte, en outre, sur l’école
à domicile : il basculera vers un régime dit dérogatoire, soit l’école
obligatoire avec une restriction des dérogations pour les cas particuliers.
4/ Un big-bang territorial à vivre en « 4D »
À chaque nouveau président son « big bang
territorial ». Bien que Macron se défende de réaliser de « grandes
réformes institutionnelles », son projet vise à bouleverser l’ensemble
des collectivités locales. Le projet de loi « 4D » – « décentralisation »,
« différenciation », « déconcentration » et « décomplexification » –
sera examiné fin janvier-début février par le Conseil des ministres avant un
débat parlementaire au printemps. Concrètement, par ce « nouvel acte de
décentralisation », le président veut réconcilier l’État central et
les élus locaux, dont la relation a été plus que mise à mal ces dernières
années. Il souhaite transférer certaines compétences mais surtout leur laisser
la possibilité de multiplier les expérimentations locales pour « mettre
en œuvre le principe de différenciation territoriale ». Elles
pourraient alors se doter d’attributions normalement dévolues à d’autres
institutions.
« C’est l’idée fondamentale que, pour
recoudre le pays, ça doit passer par du cousu main et une adaptation à la diversité
des territoires », explique Jacqueline Gourault,
ministre de la Cohésion des territoires. La présidente du groupe communiste au
Sénat, Éliane Assassi, y voit plutôt la porte ouverte à « une évolution
fédéraliste de notre République, qui ne serait alors plus une et indivisible.
Ce principe libéral accentuera les inégalités entre les territoires en
favorisant les plus riches, qui seuls pourront élargir leurs compétences ».
Ainsi, à partir de 2023, les régions
volontaires pourront se voir transférer la gestion des routes nationales.
L’État prévoit également de confier 1 200 kilomètres de routes aux
départements. Jacqueline Gourault a par ailleurs annoncé « la
décentralisation des aéroports ne figurant pas sur la liste des aéroports
d’intérêt national ou international vers les collectivités ». Les
réseaux de sites naturels Natura 2000 seront aussi à la charge des
régions. Un autre changement concerne les agences régionales de santé, très
critiquées pendant la pandémie. Leur réorganisation laissera davantage de
place aux élus locaux, qui constitueront un tiers des conseils
d’administration. Les départements pourront également expérimenter la
recentralisation du RSA.
5/ Vers la fin de l’état d’urgence sanitaire ?
C’est au 1er avril 2021 que les dispositions de la
loi du 23 mars 2020 instituant l’état d’urgence sanitaire, qui avait été
prorogé une seconde fois le 17 octobre dernier, devraient prendre fin.
Pour rappel, c’est ce dispositif d’exception qui permet au gouvernement de
limiter les libertés fondamentales de circulation, de manifestation, de réunion
et d’entreprise. Toutefois, le gouvernement prévoit d’examiner, d’ici à l’été,
un texte instaurant un « état d’urgence sanitaire pérenne ». « Ce n’est
pas une manière de l’inscrire dans le droit commun », défend-on à
LaREM, mais « de le rendre durable et de pouvoir l’activer en cas de
nouvelle crise sanitaire ». Il n’est certes pas question, pour la
majorité, de limiter les libertés publiques ad vitam, mais bien, dans les
faits, d’en garder la possibilité sous le coude.
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