La direction du fabricant français de pneumatiques a
annoncé, mercredi, la suppression de 2 300 postes en France. Pourtant, le
groupe coté affiche des résultats au vert, malgré la crise.
Mercredi matin, à 8 h 15 et par écrans
interposés, la direction du deuxième fabricant mondial de pneumatiques a
annoncé la couleur aux élus du personnel : Michelin va supprimer, sur trois
ans, 2 300 postes en France. « Tous les sites du groupe sont
concernés », précise la direction. Toutes les catégories de personnel
aussi, apprennent alors les syndicats, surpris de voir qu’au plan de baisse
d’effectifs dans les services tertiaires, prévu depuis dix-huit mois, s’ajoute
désormais la liquidation de 1 200 postes à la production. « Ce
n’est pas possible de continuer, encore et toujours, à sabrer dans l’emploi », s’agace
François Roca, délégué syndical CGT d’un des sites Michelin de
Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). « La direction promet évidemment
qu’aucune usine ne fermera, mais on connaît la chanson. D’abord, ils réduisent
les effectifs, et, ensuite, ils nous expliquent que le site n’atteint pas ses
objectifs, qu’il n’est plus rentable et qu’il faut le fermer », poursuit
le syndicaliste.
Le montant des dividendes a triplé
Cette nouvelle saignée – dans un contexte
de crise économique majeure – s’ajoute à la longue liste des suppressions de
postes dans le groupe depuis plusieurs années, dont celle « historique » de
1999 ; 7 500 salariés avaient alors été remerciés. Un « traumatisme » qui
demeure, confie le cégétiste. Plus récemment, à l’automne dernier, c’est
l’usine de La Roche-sur-Yon (620 salariés) qui baissait définitivement le
rideau. Anthony Guilloteau était le délégué CGT du site vendéen. « Aujourd’hui,
350 licenciés sont dans des ateliers de reclassement et 150 ont été
embauchés dans d’autres usines du groupe », explique le syndicaliste, guère
surpris de ces nouvelles annonces. « Ça ne m’étonne pas de la part de
Michelin. Tout est mis en œuvre pour que ces grosses boîtes cotées fassent ce
qu’elles veulent tout en percevant des millions d’euros d’aides publiques. » Représentant
du personnel, il fait partie de la vingtaine d’élus dont le licenciement a été
retoqué par l’inspection du travail pour absence de justification
économique. « Depuis, on est rattachés au site de Clermont, mais on n’a
pas de perspectives. On ne sait pas ce que la direction va faire de
nous », explique Anthony Guilloteau.
Et cette fois encore, Michelin dégraisse
alors que les comptes sont au vert. L’entreprise affiche des résultats positifs
pour 2020 et le versement de dividendes a été multiplié par trois depuis 2009.
La direction justifie la suppression de 10 % de ses effectifs en avançant
l’objectif d’une « amélioration de sa compétitivité pouvant aller
jusqu’à 5 % par an » et s’engage sur des départs exclusivement
volontaires. « C’est toujours le même discours », reprend François
Roca, « la direction prévoit 60 % de départs anticipés à la
retraite et 40 % de départs volontaires dans le cadre d’une rupture
conventionnelle collective ». Mais, dans ce genre de dossier, rappelle
le syndicaliste, la réalité est souvent bien éloignée des promesses. Chris
Boyer, lui, donne plutôt crédit à la bonne volonté de son employeur. Ancien élu
de la CFE-CGC, passé récemment à la CFDT, il note, même s’il « ne
partage pas le diagnostic de la direction » et conteste les
suppressions de postes, que « Michelin, en général, accompagne bien ses
salariés ». Pour le cédétiste, « le groupe cherche à dégager des
marges pour investir hors pneus. Leur objectif, c’est la croissance
externe ». Un changement de braquet que cet ingénieur brevet a observé
au cours de ses vingt et un ans de carrière. « Michelin est passé,
dans les années 2000, d’un esprit très “ingénieur”, centré sur le produit, à
une gestion par objectifs de rentabilité », regrette-t-il. Une stratégie
mortifère, dénonce François Roca. « Michelin ne fait pas que du haut de
gamme, il produit aussi des pneus bon marché, mais uniquement dans ses usines
d’Europe de l’Est. En France, il n’y a presque plus rien. Nous n’arrivons plus
à fournir les poids lourds, nous ne fabriquons plus de pneus moto, vélo,
brouette… Il ne reste qu’un site de pneumatiques tracteur, à Troyes, et nous
sommes inquiets pour son avenir », explique le syndicaliste avant de
conclure : « Toutes ces productions pourraient revenir en France. »
De son côté et comme à son habitude, la ministre
déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, a assuré, ce mercredi, que le
gouvernement serait « particulièrement vigilant » sur le
dossier Michelin. Comme pour Bridgestone et ses 863 suppressions de
postes.
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