L’éditorial de L’Humanité Dimanche du
07 janvier 2021.
Cette année commence comme si la
précédente ne s’était jamais terminée. Les angoisses et incertitudes face à un
virus qui continue de défier l’humanité sont toujours bien présentes, d’autant
qu’en France la campagne de vaccination connaît un faux départ coupable. Semant
mort et maladie, et n’épargnant pas les corps d’effets secondaires délétères,
le Covid-19 continue à désorganiser nos sociétés, dont les fragilités explosent
au grand jour. Le capitalisme déchaîné en profite pour poursuivre ses sales
œuvres. Un abîme se creuse entre sa rapacité, ses calculs égoïstes et le
comportement responsable et souvent exemplaire des populations, comme avec les
multitudes d’initiatives d’entraide et de solidarité que mènent partout des
militants associatifs et de nombreux militants communistes.
Pendant que l’immense majorité vit au
rythme des angoisses du lendemain, des préoccupations sur l’avenir des enfants
ou des privations, les milliardaires ont vu leur fortune bondir de 14 % en
Europe et de 25 % aux États-Unis. La pompe à oxygène des finances
publiques nourrit une nouvelle fois abondamment le capital, délaissant petites
entreprises, artisans, commerçants, ne bloquant aucun plan de licenciement au
moment précis où l’indice des quarante principales valeurs françaises, le
CAC 40, s’est envolé de 26,37 %. Cela paraît incroyable, mais pourtant
vrai : c’est la meilleure performance enregistrée en vingt ans. Ce satané
Covid-19 sert donc d’accélérateur à la fracture de classe entre le capital et
le travail. Voilà qui pose en termes d’urgence le combat pour que les
travailleurs conquièrent de nouveaux pouvoirs d’intervention dans
l’organisation de la production et les choix des entreprises, sur la manière
dont est utilisé l’argent public comme celui des banques. Servir la rapacité
des actionnaires ou l’intérêt général ? Telle est la question mise à l’ordre du
jour avec plus de force que jamais.
Au cours de l’année passée, nul n’a pu
contester que les travailleurs les plus mal considérés, les plus précaires, les
plus mal payés sont celles et ceux qui, sans discontinuer, ont assuré le
service aux autres. Les mots doux adressés par le président de la République
lors de ses vœux aux salariés relèvent de la propagande et du mépris dès lors
qu’il refuse scandaleusement d’augmenter les petits et moyens salaires comme le
Smic.
Loin des calculs de chefs comptables qui
ont impulsé la tarification à l’acte à l’hôpital, ce sont bien les collectifs
de soignants, de médecins, de chercheurs qui ont permis de faire front.
Pourquoi refuser d’engager avec eux une nouvelle organisation de notre système
de santé, d’augmenter leurs rémunérations, de soutenir l’ensemble du secteur en
formant et en embauchant ?
À l’école et à l’université les
enseignants ont fait preuve d’ingéniosité, de courage et d’un grand sens
professionnel. Pourquoi, alors, refuser de les rémunérer à hauteur de leurs
responsabilités et de les associer à la revitalisation d’une école publique,
laïque et gratuite ? Il en va tout autant de l’ensemble des agents publics
nationaux et territoriaux qui se sont portés aux avant-postes, démontrant la
nécessité de démocratiser et de moderniser les services publics, à rebours des
plans de réduction d’effectifs et des projets de privatisation. Pourquoi,
encore, ne pas décider avec les artistes et créateurs des modalités qui
permettraient à la fois de combattre l’épidémie tout en ouvrant l’accès aux
œuvres et aux lieux de culture ?
Souhaitons qu’en cette nouvelle année l’enjeu du
travail manuel et intellectuel non aliéné puisse être porté avec force dans de
multiples débats et actions pour un processus de transformation à visée
postcapitaliste. Cette conquête de nouveaux droits et pouvoirs est la condition
d’une sécurité de vie riche et émancipée de la naissance jusqu’à la retraite
pour chacune et chacun. Un projet civilisationnel de haute portée que nous nous
attacherons à faire vivre avec vous ! Bonne année à chacune et chacun d’entre
vous.
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