Les actionnaires ont voté, lundi, la fusion des deux
groupes. Si les directions acclament la création du nouveau numéro 4
mondial, les syndicats crient à la casse sociale.
Les fiançailles avaient été annoncées en 2019, le
mariage est désormais acté. Les actionnaires de Peugeot SA (PSA) et Fiat
Chrysler Automobiles (FCA) étaient virtuellement réunis en assemblée générale,
ce lundi, pour avaliser la fusion des deux groupes automobiles. Les premiers
ont voté en faveur des trois résolutions officialisant l’alliance à plus de
99,8 %, les seconds à 99,1 %. À l’issue de cette union, chacun
d’entre eux contrôlera 50 % des actions de la nouvelle entité dirigée par
Carlos Tavares (l’actuel PDG de PSA).
Malgré des négociations rendues difficiles par le
Covid, des sites industriels à l’arrêt et une baisse globale des chiffres de
vente des véhicules sur l’année 2020, l’opération laissait peu de place au
suspense : les actionnaires s’étaient déjà prononcés en faveur de la fusion en
juin dernier. Avec, en ligne de mire, la constitution d’une importante force
d’investissement pour faire face aux défis à venir de l’industrie automobile,
comme l’essor de l’électrique et de l’assistance numérique.
Si les salariés savaient déjà à quoi s’attendre, ils
en ont désormais le cœur net : ils rejoindront bientôt un nouveau mastodonte du
monde automobile à la tête de 14 marques, dont Opel, Citroën, Jeep,
Maserati ou encore Alfa Romeo. Ce nouveau groupe né de la fusion entre les deux
sociétés promet d’être le quatrième plus gros vendeur de véhicules au monde,
avec 8 millions d’unités écoulées en 2019, et le troisième plus gros
groupe automobile en termes de chiffres d’affaires. Le nom du fruit de cette
union : Stellantis, dont la traduction latine signifie peu ou prou « briller
d’étoiles ». De quoi symboliser un « alignement nouveau et prometteur »,
assure la direction de PSA. La manœuvre capitalistique est pourtant loin de
faire briller les yeux des salariés.
La menace de la mise en concurrence des travailleurs de différents pays
« PSA et Fiat-Chrysler ont fait le calcul,
il fallait s’unir pour aller manger dans la gamelle des autres. Le but de cette
fusion, c’est d’améliorer leur compétitivité et leur rentabilité, et on est
convaincu que ça se fera sur le dos des salariés », tempête Jean-Pierre Mercier, délégué syndical
central de la CGT à PSA. Et pour cause : les deux groupes ont estimé que leur
union leur permettra de réaliser 5 milliards d’euros d’économies par an,
notamment en réalisant des gains sur les achats. Et même si les deux directions
ont promis d’une même voix qu’aucune usine ne sera condamnée à la fermeture,
les syndicats se permettent d’en douter. « Ce n’est qu’une promesse.
Sans de véritables garanties, par un accord par exemple, on s’attend à voir la
moindre crise devenir un prétexte pour fermer des sites de production. Cela
fait déjà plusieurs années que le contexte dans l’industrie automobile est à la
réduction des effectifs », abonde Benoit Vernier, délégué central
adjoint de la CFDT à PSA.
Avec environ 160 sites dans le monde, le mariage
des deux industriels laisse planer la menace de la mise en concurrence des
travailleurs de différents pays. « Les salariés d’Europe de l’Est
seront mis en confrontation avec ceux d’Amérique du Nord ou d’Europe
occidentale, leurs salaires seront comparés… Le tout pour justifier des
coupes », prévient le cégétiste. Et de rappeler que le groupe PSA est
à l’origine de 30 000 suppressions d’emplois en CDI depuis 2013. Si aucune
catégorie professionnelle n’est à l’abri, estiment les représentants du
personnel, les regards se tournent tout de même vers les salariés de la
recherche et développement (R&D), qui ont déjà essuyé de nombreuses
délocalisations d’emplois ces dernières années, vers le Maroc ou l’Inde.
Au lendemain de l’annonce du mariage, les salariés du
futur géant de l’automobile naviguent en eaux troubles. Seule réjouissance de
cette alliance délétère : une manne de 400 000 travailleurs toutes marques
et pays confondus, qui pourront peser sur le patronat à condition qu’ils
s’unissent. « Nous allons entrer en contact avec les syndicats dans
tous les autres pays. Le but, c’est de montrer que tous ces salariés ont
maintenant des intérêts communs à défendre et qu’il faut que ceux-ci se
mobilisent contre la future politique des patrons », martèle
Jean-Pierre Mercier de la CGT. Quant au calendrier de l’union, il reste la
grande inconnue ; aucune date n’a encore été communiquée. Une chose est
toutefois sûre pour les syndicats : les choses iront très vite.
Le marché automobile cale
L’alliance entre PSA et Fiat Chrysler
intervient alors que les ventes de voitures neuves sont paralysées par la crise
sanitaire. La mise à l’arrêt des usines et la fermeture des points de vente ont
fait chuter le marché de l’automobile à son niveau de 1975, selon les chiffres
publiés par le Comité des constructeurs français d’automobiles. Seulement
1,65 million de véhicules ont été écoulés en 2020, soit une baisse de plus
de 25 % par rapport à l’année précédente. Les marques du futur groupe Stellantis
en ont aussi eu pour leur compte : les ventes d’Opel ont chuté de 34,5 %,
celles de Citroën de 30,8 %.
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