Cent ans après le congrès de Tours, la perception du
mot lui-même par les 18-30 ans reste marquée par l’histoire du
XXe siècle, mais les principes et les valeurs qui en sont le socle sont
jugés très positivement, selon notre sondage Ifop.
Depuis sa naissance au congrès de Tours,
en 1920, le PCF a traversé un siècle d’histoire avec ses heures de gloire,
comme ses heures sombres. Cent ans plus tard, c’est une nouvelle crise du
capitalisme qui s’amorce et le communisme se présente toujours en alternative,
sans pour l’heure parvenir à générer un mouvement assez puissant pour abattre
le mur de l’argent. Pourtant, de la mobilisation pour le climat à la lutte
contre le racisme ou les violences faites aux femmes, la jeune génération
occupe le terrain du combat politique. Alors, à l’heure où une crise historique
frappe à la porte, que pensent les jeunes du communisme ?
Premier enseignement de notre sondage Ifop
auprès des 18-30 ans : si le terme reste négativement connoté, ses
principes sont largement plébiscités. « Il y a une logique de mise à
distance des idéologies, un rejet des mots en “isme”, capitalisme et
communisme », observe le directeur général adjoint de l’Ifop, Frédéric
Dabi. Avec « privatisation », les deux termes forment ainsi le trio des mots
les plus négativement jugés : capitalisme par 60 % des sondés,
privatisation par 61 % et communisme par 65 %. Pour ce qui est du
capitalisme, il est d’ailleurs considéré comme le principal responsable du
dérèglement climatique par 58 % des jeunes.
L’histoire pèse de tout son poids sur la perception du terme
Le communisme, de son côté, enregistre
seulement 35 % d’opinion positive parmi l’ensemble des jeunes, mais la
proportion s’élève à 42 % chez les 18-20 ans, 43 % chez les
ouvriers, 50 % chez les lycéens et 53 % chez les non-diplômés. Quant
au clivage gauche-droite, il opère à plein : les sympathisants de gauche sont
47 % à juger positivement le terme (51 % pour PCF-FI, 49 % au
PS, 40 % chez EELV), un score qui tombe à 13 % chez les proches des
« Républicains ». Ce discrédit est moins marqué chez les sympathisants de LaREM
et du RN, qui respectivement pour 22 % et 27 % ont une opinion
positive du communisme.
Même si les moins âgés des sondés sont nés
après la chute du mur de Berlin, l’histoire continue de peser de tout son poids
sur la perception du terme. Ainsi, 47 % des jeunes l’associent à « l’échec
d’une idéologie en URSS et dans l’est de l’Europe » et 44 %
à « la dictature ». « D’autres éléments sont assez
fortement cités et, quand on les additionne, ils contrebalancent presque la
vision historique », note cependant Frédéric Dabi, estimant qu’il est
donné « quitus au communisme d’avoir cherché à partager les richesses
(33 %) et de mettre en commun les biens publics (35 %) ».
D’autant que, pour 69 % des sondés, « les idées communistes ont
été perverties par les crimes commis au siècle dernier en URSS ». Une
vision cette fois « assez homogène, quelle que soit la proximité
partisane », précise le politologue. À en croire un autre sondage,
celui réalisé par Viavoice en 2018 pour la Fondation Gabriel-Péri, elle ferait
en revanche l’objet d’un clivage générationnel : 28 % des 18-24 ans
estiment ainsi que « les idées communistes n’ont plus aucune
pertinence », contre 57 % chez leurs aînés de 65 ans et plus.
Interrogés sur les valeurs ou propositions
qui forment le socle du communisme, les jeunes ont un jugement des plus
positif. Partage (83 %), égalité (83 %) et progrès social (78 %)
arrivent en tête de classement. D’autres assertions sont largement approuvées : « La
lutte des classes est toujours une réalité aujourd’hui » (83 %
des sondés) ; « les salariés, les travailleurs devraient pouvoir
décider des choix de leur entreprise » (75 %) ; « des
secteurs comme la santé, l’éducation ou le logement ne devraient pas être soumis
à la concurrence et à la compétition économique » (78 %). Dans ce
dernier cas, Frédéric Dabi évoque un « effet Covid ». On se
souvient comment même Emmanuel Macron a dû au printemps dernier reconnaître
qu’il « est des biens et des services qui doivent être placés en dehors
des lois du marché », même si les actes n’ont pas suivi, loin s’en
faut. Mais surtout, « comme pour le match
nationalisations-privatisations (lesquelles sont jugées positivement
respectivement par 57 % et 39 % des interrogés – NDLR), on retrouve
le sentiment que la France n’a pas été bien armée pour faire face à
l’épidémie », assure Dabi.
Le communisme est loin d’avoir dit son dernier mot
Néanmoins, ces jeunes ne sont pas exempts
de toute « contradiction et ambivalence », relève le sondeur, qui
pointe une certaine « dépolitisation » et « une
connaissance de l’histoire parfois approximative ou parcellaire ». Les
services publics sont ainsi plébiscités par 68 % d’entre eux, à peine
davantage que la concurrence (61 %) et moins que le libre-échange
(75 %).
Reste que le communisme est loin d’avoir
dit son dernier mot : il est une « idée d’avenir » pour
28 % des 18-30 ans. Là encore, on retrouve à la fois le clivage
partisan (39 % à gauche, 9 % chez LR et 32 % au RN) et de classe
(14 % pour les cadres et les professions intellectuelles et 37 % chez les
ouvriers). Le record est atteint parmi les lycéens (64 %) et dans une
moindre mesure chez les non-diplômés (52 %).
Les jeunes dans leur ensemble sont également 28 %
à envisager de voter en faveur d’un candidat ou d’une liste se réclamant du
communisme. Certes, ce n’est pas une majorité, mais, estime le politologue,
c’est « un socle qui n’est pas négligeable et qui s’élève à gauche, y
compris au PS, à 4 jeunes sur 10 ».
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