Les moyens supplémentaires accordés dans le premier
degré ne profiteront qu’à la politique de dédoublement. Tandis qu’au collège et
au lycée, il s’agit de vraies coupes claires.
C’est le 16 décembre, juste avant les
vacances de Noël, que le ministère de l’Éducation nationale a dévoilé la carte
scolaire 2021. À y lire les dotations en postes d’enseignants pour l’année
prochaine, on comprend qu’il valait mieux attendre ces congés tant attendus
pour déballer le contenu du cadeau… Le ministère a beau habiller son paquet de
fanfreluches et autres fariboles, cela ne suffit pas à cacher que le présent
est empoisonné. Car, derrière le chiffre global de 12 500 élèves en moins
que le ministère met en avant, la réalité du premier degré et du second degré
s’avère très différente. La situation des collèges et lycées peut se résumer en
deux chiffres : quelque 43 500 élèves supplémentaires y seront accueillis
à la rentrée prochaine… avec 1 883 postes en moins !
Alors par quel miracle le ministère
affirme-t-il que le second degré verra « ses moyens d’enseignement
maintenus et même renforcés » ? Principalement parce qu’il utilise le même
subterfuge que ces dernières années : « compenser » les suppressions de postes
par le financement d’heures supplémentaires (HSA, heures supplémentaires
année). Ainsi, pour 2021, 1 847 équivalents temps plein (ETP) en heures
supplémentaires sont prévus. Ajoutant une pincée de ce cynisme sans lequel
l’administration Blanquer ne serait pas ce qu’elle est, on explique que ces
HSA, défiscalisées, se traduiront par « un gain net sur la feuille de
paie »…
Des options vont disparaître, des choix de spécialités restreints
Le souci, c’est que ça ne fonctionne pas.
C’est officiel et le ministère le sait : le Sénat (que l’on sait noyauté par
l’ultragauche…) a pointé, dans son rapport sur l’exécution de la loi de
finances 2019 publié en novembre, que 12,3 millions d’euros de crédits en
heures supplémentaires n’ont pas été consommés. Cela signifie que les deux
tiers, environ, du budget HSA n’ont pas été utilisés. Et donc que les
suppressions de postes équivalentes n’ont pas été compensées. Le ministère
ment, et ce, en toute connaissance de cause.
Il ment d’autant plus effrontément que les
raisons de cette situation sont connues et ne risquent pas de disparaître à la
rentrée 2021. Pêle-mêle : même si une deuxième heure supplémentaire
hebdomadaire a été rendue obligatoire par Jean-Michel Blanquer en 2019, quand
on enlève les enseignants à temps partiel, ceux dont l’état de santé ne leur
permet pas d’en faire plus, et ceux qui font déjà leurs deux heures
supplémentaires et n’en feront pas plus en 2021, guère plus de la moitié des profs
effectuent réellement ces HSA. Lesquelles sont en outre parfaitement
inégalitaires, car ce sont surtout les profs mâles, âgés et déjà les plus
qualifiés qui les assument…
Les conséquences, ce sont les élèves qui
vont les subir. Les heures allouées non effectuées vont se traduire par des
options qui vont disparaître, des dédoublements supprimés et, au lycée, des
choix de spécialités restreints. Non seulement cette carte scolaire est
contradictoire avec la réforme du baccalauréat, prétendument « à la
carte », voulue par Jean-Michel Blanquer, mais elle va dégrader les
conditions d’enseignement à tous les niveaux. Et donc les chances de réussite
des élèves les plus fragiles.
Une augmentation des effectifs par classe
Ce que confirme la répartition
géographique des moyens : par exemple les académies de Lille, Reims, Nancy-Metz
ou Créteil sont parmi les moins bien loties, alors qu’elles comptent beaucoup
d’élèves défavorisés et d’établissements classés en éducation prioritaire… Dont
le ministre a par ailleurs planifié la disparition. On ne pourra pas lui
reprocher un manque de cohérence.
Par contraste, le primaire, qui bénéfice de la « priorité
réaffirmée » du ministère, va perdre 56 000 élèves et gagner près
de 500 postes (2 489). Est-ce à dire que tout va pour le mieux ? Pas
vraiment, hélas, car les postes créés seront de toute façon absorbés par la
poursuite du dédoublement des CP et CE1 en éducation prioritaire. Laquelle ne
manquera donc pas de se traduire, comme c’était déjà le cas les années
précédentes, par une dégradation de l’accueil et une augmentation des effectifs
par classe dans les CE2, CM1 et CM2. Déshabiller Pierre pour habiller Paul :
voilà donc tout ce que le « nouveau monde » parvient à proposer aux enfants de
ce pays.
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