mardi 1 décembre 2020

Anne Sylvestre, la mort d'une tendre insurgée

 


L’interprète, auteure et compositrice s'est éteinte à l'âge de 86 ans des suites d'un AVC, a indiqué son attaché de presse historique. Nous republions notre article consacré à son dernier album, paru en 2013, Juste une femme. Entre colère, fantaisie et poésie.

La chanteuse fêtera, en 2014, ses 80 printemps. Les festivités commencent du 17 au 19 janvier, à La Cigale, où elle présentera, non ses fameuses Fabulettes, mais son répertoire destiné aux adultes – particulièrement ceux qui, à son image, cultivent l’art de l’enfance. Elle reprendra des titres de son dernier album, Juste une femme, et d’autres, plus anciens, tels Non, tu n’as pas de nom (écrit en 1973, deux ans avant la loi Veil garantissant le droit à l’IVG) et Gay, marions-nous (2007).

Trois musiciennes l’accompagnent : la violoncelliste Isabelle Vuarnesson, la clarinettiste Chloé Hammond et la pianiste Nathalie Miravette. On a découvert que cette princesse des claviers chante aussi lorsqu’elle a revisité, dans son propre disque (Cucul, mais pas que…, chez Tacet), deux chansons de son aînée (Un mur pour pleurer et Lettre ouverte à Élise). En outre, elle a partagé avec Jérôme Charles l’écriture des arrangements du CD et du spectacle d’Anne, lequel a été mis en scène par Olivier Hussenet. Anne a effectué, avec ses complices, une résidence au Hall de la chanson, dirigé par Serge Hureau. « Une structure précieuse, pour ses conférences, ses concerts, tout son travail autour de la chose chantée », rappelle-t-elle.

"Ça me soulage de voir que de jeunes femmes ne considèrent pas le terme féminisme comme un gros mot"

Dans son dernier album, sont abordés des thèmes graves – la vieillesse, le machisme, l’amour –, auxquels des perles de fantaisie (comme Des calamars à l’harmonica) insufflent un bol d’oxygène. Si l’écriture est souvent un chemin de souffrance, une errance, pour Anne Sylvestre, celle-ci transforme les pierrailles de son labeur en sentes délicates, resplendissantes. Elle confie, en riant : « Quand je me mets en écriture, je ne pense plus qu’à ça. Mes carnets sont étalés partout, je mange dessus, je dors avec. Bref, je deviens infréquentable ! » Juste une femme, chanson éponyme, crayonne un salopard. Elle est née d’un coup de colère, à l’occasion de l’affaire DSK, lorsque son auteure a entendu nombre de commentaires arguer que « cette histoire n’est pas si grave » ou qu’il « n’y a pas eu mort d’homme ». « Pourtant, toutes ces humiliations, ces attouchements, ces abus sont des petits meurtres, s’insurge Anne Sylvestre. Ça me soulage de voir que de jeunes femmes ne considèrent pas le terme féminisme comme un gros mot mais, au contraire, le revendiquent avec courage. » Dans le sillon d’une de ses premières chansons (Porteuse d’eau, 1959), qui incitait à « retrouver la patience des graines », elle appelle, en Pelouse au repos, à « endormir les chagrins / Parmi les boulingrins / Se glisser clandestin / Dans des alexandrins ». La prosodie d’Anne Sylvestre dit beaucoup sur le monde et, en même temps, ouvre grand la fenêtre sur la poésie.

 

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