L’interprète, auteure et compositrice s'est éteinte à
l'âge de 86 ans des suites d'un AVC, a indiqué son attaché de presse
historique. Nous republions notre article consacré à son dernier album,
paru en 2013, Juste une femme. Entre colère, fantaisie et poésie.
La chanteuse fêtera, en 2014, ses
80 printemps. Les festivités commencent du 17 au 19 janvier, à La Cigale, où
elle présentera, non ses fameuses Fabulettes, mais son répertoire destiné aux
adultes – particulièrement ceux qui, à son image, cultivent l’art de l’enfance.
Elle reprendra des titres de son dernier album, Juste une femme, et d’autres,
plus anciens, tels Non, tu n’as pas de nom (écrit en 1973, deux ans avant la
loi Veil garantissant le droit à l’IVG) et Gay, marions-nous (2007).
Trois musiciennes l’accompagnent : la
violoncelliste Isabelle Vuarnesson, la clarinettiste Chloé Hammond et la
pianiste Nathalie Miravette. On a découvert que cette princesse des claviers
chante aussi lorsqu’elle a revisité, dans son propre disque (Cucul, mais pas
que…, chez Tacet), deux chansons de son aînée (Un mur pour pleurer et Lettre
ouverte à Élise). En outre, elle a partagé avec Jérôme Charles l’écriture des
arrangements du CD et du spectacle d’Anne, lequel a été mis en scène par
Olivier Hussenet. Anne a effectué, avec ses complices, une résidence au Hall de
la chanson, dirigé par Serge Hureau. « Une structure précieuse, pour ses
conférences, ses concerts, tout son travail autour de la chose chantée »,
rappelle-t-elle.
"Ça me soulage de voir que de jeunes
femmes ne considèrent pas le terme féminisme comme un gros mot"
Dans son dernier album, sont abordés des thèmes graves
– la vieillesse, le machisme, l’amour –, auxquels des perles de fantaisie
(comme Des calamars à l’harmonica) insufflent un bol d’oxygène. Si l’écriture
est souvent un chemin de souffrance, une errance, pour Anne Sylvestre, celle-ci
transforme les pierrailles de son labeur en sentes délicates, resplendissantes.
Elle confie, en riant : « Quand je me mets en écriture, je ne pense plus qu’à
ça. Mes carnets sont étalés partout, je mange dessus, je dors avec. Bref, je
deviens infréquentable ! » Juste une femme, chanson éponyme, crayonne un
salopard. Elle est née d’un coup de colère, à l’occasion de l’affaire DSK,
lorsque son auteure a entendu nombre de commentaires arguer que « cette
histoire n’est pas si grave » ou qu’il « n’y a pas eu mort d’homme ».
« Pourtant, toutes ces humiliations, ces attouchements, ces abus sont des
petits meurtres, s’insurge Anne Sylvestre. Ça me soulage de voir que de jeunes
femmes ne considèrent pas le terme féminisme comme un gros mot mais, au
contraire, le revendiquent avec courage. » Dans le sillon d’une de ses
premières chansons (Porteuse d’eau, 1959), qui incitait à « retrouver la
patience des graines », elle appelle, en Pelouse au repos, à « endormir les
chagrins / Parmi les boulingrins / Se glisser clandestin / Dans des
alexandrins ». La prosodie d’Anne Sylvestre dit beaucoup sur le monde et, en
même temps, ouvre grand la fenêtre sur la poésie.
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