«Nous voyons des jeunes arriver avec leur tenue de vendeur d’Uber Eats. C’est-à-dire qu’eux-mêmes apportent à manger, mais n’ont pas à manger pour eux. » Ainsi parlait le président des Restos du cœur au micro d’une radio de service public. Ces mots glaçants résument une époque où la pauvreté s’enracine jusqu’à l’absurde dans le travail exploité.
Il y a fort à craindre que les retards et
impérities du gouvernement pour juguler la pandémie creusent plus encore le
fossé de la pauvreté. Le nombre de sans-abri a déjà été multiplié par trois en
quelques mois pour atteindre les 300 000 personnes, soit l’équivalent de
la 6e ville du pays ! Et la France devrait bientôt compter 1 million
de citoyens de plus sous le seuil de pauvreté pour franchir les
10 millions.
On se souvient des suppliques du ministre
de l’Économie demandant aux Français d’utiliser l’épargne cumulée pendant le
confinement. On apprend aujourd’hui que cette exhortation ne concernait pas
« les Français », mais les 20 % les plus riches d’entre eux, qui cumulent
les deux tiers du surcroît d’épargne, quand les 20 % les plus pauvres ont
été contraints à l’endettement.
La crise économique consécutive au
confinement n’est pas une crise comme les autres. Elle ne frappe quasiment pas
le crédit, les banques centrales s’étant accordées pour injecter des sommes de
liquidités monstrueuses dans le système bancaire. L’indécente euphorie
boursière en témoigne amplement.
Les difficultés frappent avant tout les
services qui se révèlent fortement dépendants des interactions humaines. C’est
ici que se compte la majorité des nouveaux pauvres. Or, le secteur tertiaire
est celui qui échappe le plus à l’arsenal statistique et le travail non déclaré
y est plus développé qu’ailleurs. Ce sont donc les associations caritatives qui
permettent de mesurer le plus précisément la déferlante de pauvreté, par le
nombre de colis alimentaires distribués et l’afflux de nouveaux bénéficiaires.
La hausse spectaculaire des allocataires
du RSA aurait également dû alerter. Et les départements déjà exsangues être
aidés au lieu de mettre à bas les fameux impôts dits « de production » qui contribuent
à leur financement. Il en aura fallu des actions et interventions pour que le
département de la Seine-Saint-Denis voie le coût de ce RSA, devenu faramineux,
enfin pris en charge par l’État.
Le refus catégorique de soutenir la
demande par la hausse des salaires et la sécurisation du travail, au-delà du
seul chômage partiel – véritable bombe à retardement –, et
l’obsession répétée de soutenir la seule offre, c’est-à-dire la trésorerie des
entreprises et surtout des plus grandes, ne peut que causer de nouveaux
désastres sociaux. Le refus de rehausser le RSA de manière pérenne et pour tous
les bénéficiaires, comme d’étendre son versement aux moins de 25 ans, est
une aberration qui risque de plonger toute une génération dans la précarité.
Cette même jeunesse qui gonfle pour beaucoup les chiffres des états dépressifs
relevés par Santé publique France, passés de 11 à 20 % de la population,
et que l’on retrouve dans les files de l’aide alimentaire.
Il faudrait obtenir dès aujourd’hui que
les expulsions locatives, les coupures d’eau, d’électricité ou de gaz soient
suspendues bien au-delà de la trêve hivernale, et l’annulation des révisions
des loyers du parc HLM qui auront lieu en janvier. Des maires communistes ont
déjà obtenu gain de cause. Qu’attendent les autres pour les suivre ?
Il conviendrait ensuite de ne pas laisser le travail
aux mains du seul marché, en garantissant à tout jeune de moins de 25 ans
soit une formation, soit un emploi, notamment dans la santé, l’éducation ou les
transports, secteurs en difficulté mais qui devraient figurer au cœur d’un
nouveau processus de transformation sociale et écologique. Il devient
insupportable que les 500 plus grosses fortunes disposent d’un patrimoine de
730 milliards d’euros quand 10 millions de personnes s’enracinent
dans la pauvreté. Il faut stopper cette escalade. Seul un renversement total
des priorités le permettra.
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