mardi 24 novembre 2020

« Quoi qu’il en coûte ? », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



Le président de la République va une nouvelle fois, ce soir, s’adresser au pays. Il entend, selon ses propres termes, faire cesser « les incertitudes et la morosité sans fin » et, pour cela, « il faut de la cohérence, de la clarté, un cap, savoir ensemble où nous allons et comment nous y allons ». Ensemble, certes, mais c’est à un exercice vertical et régalien que nous allons assister. La démocratie, l’élaboration collective de solutions partagées, ce n’est pas seulement quand tout va bien. Elle est plus que jamais nécessaire quand la situation requiert l’engagement de toutes et tous.

On connaît déjà les grandes lignes de ce qui devrait être annoncé. Sur le plan sanitaire, le léger mieux actuel demande à être confirmé. Le dispositif actuel n’est pas satisfaisant. La France est en retard depuis le début de la crise. L’Allemagne n’est pas notre modèle mais les chiffres sont là. 14 000 morts de l’autre côté du Rhin, 48 000 de ce côté-ci. On teste plus mais après ? Quel suivi pour protéger, isoler dans les meilleures conditions ?

On sait à quel point est attendue la réouverture des petits commerces. On a entendu certains chrétiens, les plus traditionalistes. Mais on peut comprendre, comme pour les autres religions, plus discrètes. On ne vit pas que de pain, on a besoin des choses de l’esprit. Comment penser qu’on pourrait aller dans les lieux de culte et pas dans les lieux de culture ? Le président se doit de répondre à l’inquiétude, voire à la détresse de leurs artistes et leurs artisans.

Au-delà, c’est à la pleine dimension de la crise que le président, on doute qu’il le fasse, devrait s’attacher. Nous sommes loin du quoi qu’il en coûte de mars. La pauvreté explose, les licenciements se multiplient – hier encore chez Danone. Aux difficultés matérielles s’ajoute un mal-être sans précédent. Un tiers des étudiants seraient en situation de détresse. Combien de jeunes ? La France traverse une lourde épreuve. Elle ne pourra la surmonter qu’avec plus de démocratie, plus de justice sociale et fiscale. « Quoi qu’il en coûte », avait dit le président. À qui ?

 

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