L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 05 novembre – par Patrick Le Hyaric.
Sombre période et angoissants moments ! Une conjonction de périls s’abat sur nos sociétés, sur les familles, sur notre manière de vivre. Pandémie qui repart, terrorisme qui revient, catastrophes climatiques, crise économique et crise sociale trop sous-estimée. Une telle situation, détruisant le moral et les espérances, appelle à ouvrir les vannes du débat et du combat politiques, arguments contre arguments, afin de dépasser l’état de fait, existant.
La virulence
d’un virus qui s’acharne appelle à redéfinir les priorités en investissant
massivement dans un système de santé public incluant les fabricants de
médicaments et de vaccins. La vie humaine, déjà bien abimée par la raréfaction
des liens sociaux et les balbutiements de la vie culturelle, ne peut plus être
considérée comme une marchandise sur laquelle des profiteurs se gavent. Cela
doit être intimement relié aux lourds enjeux des modifications climatiques et
de préservation de la biodiversité.
L’abjecte
flambée de terrorisme, qui n’a pour proie que des personnes et familles
innocentes, appelle une mobilisation humaine et des moyens pour protéger les
populations. Elle doit s’accompagner d’un travail idéologique pour faire
prévaloir un nouveau progressisme à la française, un combat sans faille contre
les ségrégations, les discriminations, la haine et le racisme. Sans oublier la
transformation d’une politique internationale afin que la France regagne son
indépendance, sorte de l’OTAN et manifeste son refus du « choc des
civilisations » qui nourrit ce qu’elle prétend combattre.
Ce
fondamentalisme de guerre cherche à diviser et fracturer la société française.
Il alimente la radicalisation d’une droite déchainée qui appelle à ouvrir
« un Guantanamo » français, à mettre en place « une législation
de guerre » ou encore à la fin de « l’Etat de droit ». C’est le
grand boulevard ouvert à l’extrême droite. La profusion de lois dites « anti-terroristes »,
pas plus que Guantanamo, n’ont empêché le terrorisme de tuer. Ce « tout
sécuritaire » et les lois d’exception comme les états d’urgence sanitaires
dissimulent mal les atteintes graves à la démocratie et aux libertés que s’attachent
à détruire les fondamentalistes comme les extrêmes droites. Tout ceci dans le
cadre d’une crise accentuée des institutions. Le travail pour faire émerger une
démocratie véritable doit être entamé par les forces progressistes et
syndicales. La crise économique violente, durable, structurelle que porte la
pandémie ne peut être jugulée ni par le pouvoir personnel, ni par le service au
capital.
Le choix de
préserver coûte que coûte la seule production de « marchandises »
sans reconnaissance du travail, tout en ouvrant les écoles sans effectifs
allégés et sans renforcement du protocole sanitaire, n’augure rien de bon.
Juguler une telle crise demande de changer radicalement de stratégie en donnant
la parole et des pouvoirs aux travailleurs. Les prêts garantis pour les petites
et moyennes entreprises, les commerçants et artisans, doivent devenir des aides
directes, conditionnées au maintien de l’emploi, à des efforts de réduction du
temps de travail, d’amélioration des salaires et des investissements. Les
entreprises cotées en bourse ne doivent plus verser de dividendes à leurs
actionnaires mais choisir l’emploi garanti et les formations pour des
investissements nouveaux. Ne devrait-on pas progresser vers un système inédit
garantissant, sous l’égide de l’Etat, l’emploi et la formation pour tous les
salariés, voire même dans certains cas les rémunérations ? Un plan massif
de recherche, d’investissement et de développement des services publics pour la
transition environnementale, contrôlé par les salariés et leurs organisations,
dans le cadre de nouvelles organisations du travail, doit être mis en débat.
Sauver les plus pauvres et les précaires du naufrage nécessite de débloquer
d’importants fonds publics voire privés. Voilà qui nous éloignerait des choix
libéraux. Et, précisément, poserait les termes d’un débat pour ouvrir la voie à
une société post-capitaliste.

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