jeudi 26 novembre 2020

« Notre argent, notre pouvoir », l’éditorial de Cédric Clérin dans l’Humanité.



Cette crise sanitaire n’en finit décidément plus de révéler les travers qui caractérisent notre société. Cet effet « scanner » du virus est aussi valable pour notre économie. Face à une telle pandémie, d’une ampleur inégalée, de quels outils financiers dispose l’État pour agir ? Très peu, en réalité : nous nous sommes sciemment désarmés depuis quarante ans. Tous les grands établissements bancaires sont désormais privés. Seule la Banque postale est encore publique, mais avec des critères de gestion depuis longtemps alignés sur le privé. Elle pointe du reste au 6e rang des sept plus grands groupes bancaires.

Se souvient-on qu’au début des années 1980, quand la gauche au pouvoir avait encore quelques ambitions transformatrices, 90 % des dépôts bancaires transitaient par un organisme public ? Notre argent, dans nos outils. Aujourd’hui, cet argent, le nôtre, est entre les mains d’autres. Ainsi, comme avec le prêt garanti par l’État (PGE), nos représentants en sont réduits à donner leur caution pour inciter les détenteurs de notre argent à aider les entreprises dans lesquelles nous sommes employés. Nous payons, elles décident. Car ce sont bien les banques qui choisissent qui, elles financent et qui elles ne financent pas. Qui mourra et qui vivra.

Point de choix démocratique là-dedans, un simple calcul financier. Il y a cependant encore plus cynique dans la grande jungle capitaliste par temps de pandémie : les assurances. Celles-ci, que les gouvernements ont également offertes au privé, utilisent actuellement nos versements pour, dans de nombreux cas, refuser des indemnisations à des commerçants sans activité ou résilier des contrats pour des motifs fallacieux. Les contentieux devant les tribunaux se multiplient et plongent parfois les plaignants dans l’abîme. Nous payons, ils amassent. Le comble ? C’est quand même l’État, donc nous, à qui on va présenter la note de la crise. Tirer des enseignements de la pandémie veut aussi dire récupérer le pouvoir sur notre argent.

 

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