Le mauvais film de l’exécutif tourne au fiasco. Plus
de 500 000 personnes ont défilé en France samedi, deux jours après la
vidéo d’un passage à tabac de Michel Zecler par des policiers. L’heure est à
l’abandon pur et simple de la loi interdisant de filmer la police.
En niant beaucoup trop longtemps les
violences policières, et en voulant empêcher citoyens et journalistes de filmer
la police, le gouvernement a provoqué une grave crise politique dans laquelle
il ne cesse de s’enfoncer. Samedi, plus de 500 000 personnes ont défilé
partout en France, dont 200 000 à Paris, pour dénoncer le nouveau projet
liberticide de la Macronie. Une mobilisation spectaculaire, en pleine épidémie
de Covid-19, qui montre que la prise de conscience contre la loi de « sécurité
globale » ne cesse de s’élargir. Elle touche désormais des pans entiers de la
société. Même les footballeurs de l’équipe de France, pourtant habitués à
tourner sept fois leur langue dans leur bouche, interpellent désormais le
gouvernement, à l’image d’Antoine Griezmann et de Kylian Mbappé. De très
nombreuses personnalités montent au créneau, tout comme les directeurs et
rédacteurs en chef de France Télévisions, TF1, M6 et BFMTV. « En
exigeant une validation de nos reportages, les pouvoirs publics veulent s’octroyer
un droit à la censure », s’alarment-ils dans une tribune collective
(voir ci-contre).
Darmanin refuse de démettre Didier Lallement de ses fonctions
La vague d’indignation suscitée par le
passage à tabac de Michel Zecler par des policiers est venue percuter de plein
fouet l’argumentaire de l’exécutif. La vidéo dévoilée jeudi montre qu’il est
plus que jamais nécessaire de pouvoir filmer la police, non pas pour lui nuire,
mais pour lutter contre ses pires dérives et la remettre sur le droit chemin.
Les images, insoutenables, mettent Emmanuel Macron et Gérald Darmanin face à
leurs responsabilités, quelques jours à peine après le vote en première lecture
de la loi « sécurité globale » à l’Assemblée nationale. Le président de la
République a été obligé de réagir, vendredi, à l’occasion d’un message publié
sur Facebook. Il y dénonce des images « inacceptables » qui « nous
font honte ». La France « ne doit jamais se résoudre à la
violence ou la brutalité », écrit celui qui maintient pourtant coûte
que coûte Didier Lallement en poste. Le préfet de police de Paris, spécialiste
de la répression des gilets jaunes, mais aussi de la moindre manifestation,
qu’il s’agisse de réfugiés sans abri, de militants écologistes ou de soignants
pacifistes, a même tenté de faire interdire le défilé de samedi, avant d’être
contredit par le tribunal administratif de Paris.
Gérald Darmanin a également été contraint
de s’expliquer. Qu’il semble loin le temps où le ministre de l’Intérieur
plastronnait : « Quand j’entends le mot violences policières,
personnellement, je m’étouffe. » C’était en juillet dernier. Jeudi
soir, sur le plateau de France 2, il a affirmé avoir demandé la suspension
des agents qui ont frappé Michel Zecler. « Dès que les faits seront établis
par la justice, je demanderai la révocation de ces policiers », a-t-il
annoncé, avant d’ajouter : « Lorsqu’il y a des gens qui déconnent, ils
doivent quitter l’uniforme. » Mais il a répondu par la négative, quand
la présentatrice Anne-Sophie Lapix lui a demandé s’il avait lui-même « pensé
à démissionner » et à démettre Didier Lallement de ses fonctions. Une
question formulée en direct, qui montre bien à quel point le maintien du
ministre interroge désormais l’opinion publique.
Le premier ministre Jean Castex a bien
essayé de déminer cette situation politique de plus en plus compromettante pour
l’exécutif. Il a directement mis l’article 24 dans la balance, celui-là
même, voulu par Gérald Darmanin, qui prévoit de dissuader citoyens et
journalistes de filmer la police, s’attaquant ainsi à la liberté d’expression
et à celle d’informer. Sauf que l’hôte de Matignon l’a fait en demandant la
création d’une « commission indépendante » chargée de « réécrire » cet
article.
« La commission des Lois du Sénat va clarifier le texte »
Cette annonce a provoqué une secousse
institutionnelle, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat
fustigeant la méthode. « Confier à un organe extérieur une telle
mission constituerait une atteinte aux missions du Parlement, qui seul écrit et
vote la loi », a réagi Richard Ferrand. « La commission des
Lois du Sénat va clarifier le texte. C’est à elle d’y travailler désormais », a
fait valoir Gérard Larcher.
Jean Castex a immédiatement rétropédalé.
La commission « pourra formuler des propositions », a-t-il
rectifié. Le premier ministre cherchait ici une porte de sortie. C’est
d’ailleurs le président de la Commission nationale consultative des droits de
l’homme, Jean-Marie Burguburu, hostile à l’article 24 et à l’ensemble du
projet de loi, qui devrait prendre la tête de cette commission indépendante.
Mais, plutôt que d’attendre ses conclusions, ou une réécriture au Sénat
attendue en janvier, il existe d’ores et déjà une solution, la meilleure
d’entre toutes : abandonner dès à présent l’intégralité du projet de loi, en le
jetant aux oubliettes. « Il y a plus d’honneur à retirer un texte quand
il heurte les consciences et divise la société qu’à le maintenir, pour un
gouvernement ou un président de la République, quand le risque est de créer de
l’incompréhension et des violences », a ainsi appelé l’ancien
président de la République, qui en sait quelque chose, lui qui s’est tant abîmé
dans l’irrationnel et dangereux projet de loi sur la déchéance de nationalité.
L’Élysée a demandé des « propositions » au gouvernement
Des ténors de la majorité ne disent pas
autre chose, preuve que le front contre la loi est désormais, grand
ouvert. « Quand une mesure suscite autant de résistance, il est parfois
préférable d’y renoncer plutôt que de s’obstiner. L’article 24 ne doit pas
devenir notre CPE ou notre déchéance de nationalité ! », Insiste le
député LaREM et vice-président de l’Assemblée Hugues Renson. Reste à savoir si
Emmanuel Macron empruntera ce chemin ou s’il se montrera intransigeant, au
risque de voir monter la contestation et d’abîmer toujours plus la République,
la démocratie et l’État de droit, comme il s’y attelle depuis son élection
malgré de fortes résistances : lors du mouvement des gilets jaunes, celui
contre la réforme des retraites et aujourd’hui face à la loi « sécurité
globale ».
Devant l’ampleur du problème et l’émotion nationale,
l’Élysée a certes demandé des « propositions » au
gouvernement. Selon le JDD, Matignon songerait à une réforme
de l’IGPN, la police des polices. Un premier pas intéressant, s’il se
concrétisait, à ajouter à l’abandon de ce projet de loi qui inquiète tant le
pays.
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