La prorogation du régime d’exception est portée devant
le Conseil constitutionnel par 69 députés.
Pendant plus d’une semaine, les sénateurs
et l’opposition auront tout tenté pour réduire la durée de l’état d’urgence
sanitaire, ou y adosser des clauses de revoyure. En vain, celui-ci a été
prorogé jusqu’au 16 février 2021, conformément au projet de loi adopté
définitivement samedi, par l’Assemblée nationale. Le régime transitoire de
sortie sera ensuite enclenché et durera jusqu’au 1er avril. Soit cinq mois
de régime d’exception pendant lesquels le Parlement et la démocratie seront mis
à l’écart.
69 députés, dont les membres des groupes
GDR, FI et PS, ont toutefois sorti une dernière carte pour empêcher
l’application de ce projet de loi, en saisissant le Conseil constitutionnel.
Ces parlementaires considèrent – « sans mésestimer d’aucune façon
la situation sanitaire que traverse l’ensemble du pays » – que ce
texte contrevient à plusieurs principes constitutionnels. D’abord, la durée de
cet état d’urgence sanitaire serait « manifestement disproportionnée en
ce qu’elle porte une atteinte indéniable aux libertés fondamentales
constitutionnellement garanties, sans pour autant constituer une réponse
adéquate susceptible de mettre fin à l’épidémie ». Les sages devront
ainsi réaliser un « contrôle de proportionnalité », c’est-à-dire
vérifier si, malgré l’atteinte des droits et des libertés induite dans l’état
d’urgence sanitaire, celui-ci est « adéquat », soit réellement
susceptible de permettre la réalisation du but recherché – la lutte contre
l’épidémie – et s’il n’existerait pas d’autres moyens moins préjudiciables.
Surtout, cette atteinte aux droits et libertés doit aussi être limitée dans le
temps et sa durée justifiée.
L’article 4 du projet de loi est
également contesté. Il concerne les nombreuses habilitations à légiférer par
voie d’ordonnance, dans divers domaines, notamment économiques, sociaux ou en
matière de droit du travail et de justice. Selon les 69 députés, ces
autorisations constituent « une sérieuse atteinte au principe de clarté
et de sincérité des débats parlementaires ». En clair, le Conseil
devra vérifier si la majorité n’a pas fait preuve d’abus dans la tenue des
débats et du vote, ainsi que dans l’ampleur des habilitations accordées.
Le 11 mai dernier, saisi pour une première loi de
prorogation, le Conseil des sages n’avait pas conclu à l’atteinte aux principes
de proportionnalité, ni de clarté et de sincérité des débats. Cependant, à
l’époque, la durée du régime d’exception mis en place, ainsi que le nombre
d’habilitations octroyées à l’exécutif étaient moindres.

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