Alors que les effectifs ont déjà doublé et que le
respect des distances de sécurité devient un défi quotidien, les salariés vont
aussi devoir gérer un nombre de commandes que la direction promet d’ores et
déjà record.
L’ampleur du défi à venir a été posée en
comité central d’entreprise mardi. La direction d’Amazon table sur un chiffre
d’affaires pour cette fin d’année bien supérieur à celui de l’année dernière,
porté par les fêtes de Noël, le Black Friday et les mesures du gouvernement
imposant aux commerces de proximité de ne vendre que des produits « essentiels ». Tout
cela avec un renfort d’intérimaires équivalant à celui de l’année dernière et
en respectant les consignes de sécurité.
Selon les syndicats, c’est mission
impossible. Déjà, parce que le nombre de contaminations augmente dans les
entrepôts. S’il y en a eu une quarantaine sur le mois d’octobre sur le site
Lauwin-Planque, dans le Nord, il y a huit nouveaux cas de Covid par jour depuis
début novembre.
Une campagne de tests menée la semaine
dernière avec l’agence régionale de santé a montré que 3 % des
travailleurs du site de Saran, près d’Orléans, étaient porteurs
asymptomatiques. La tendance ne risque pas de s’inverser, puisque chaque
entrepôt intègre des centaines de nouveaux intérimaires toutes les semaines.
« On est 2 000 CDI et déjà 3 000 intérimaires sont arrivés à
Lauwin-Planque, raconte Christophe Bocquet, syndiqué FO sur le site
nordiste. On en attend 300 de plus d’ici au 15 novembre. »
La sécurité sanitaire, une cause perdue
La proportion est identique sur le site de
Saran. Et les problèmes sont nombreux. « Tous les matins à l’embauche,
la file d’attente pour entrer dans l’entrepôt s’étend sur plus de
500 mètres, comment voulez-vous respecter les distances de
sécurité ? » questionne un élu Solidaires du site du Loiret.
C’est dans ces files d’attente que les
salariés se changent, puisque les vestiaires, des casiers superposés, ne
permettent pas de respecter les 2 mètres de distance exigés par Amazon
dans ses locaux. « Donc on se met en tenue sur le parking, nos affaires
disposées dans des sacs transparents qu’on garde avec nous pendant toute notre
journée de travail », témoigne Christophe Bocquet. À cela, s’ajoutent
les problèmes de transport. Le parking de Lauwin-Planque est limité
500 places, pour 5 000 salariés. Les autres, et en premier lieu des
intérimaires, s’entassent dans des navettes bondées pour venir sur site.
Si le respect des consignes de sécurité
est déjà une cause perdue en dehors des entrepôts, à l’intérieur, la saturation
approche. « Nous avons cinq minutes de plus pour effectuer les
changements d’équipe sans que l’on se croise, mais comme on est de plus en plus
nombreux et qu’on doit suivre des itinéraires bien spécifiques et rester à
2 mètres d’écart, c’est de plus en plus complexe », pointe Harold
Propin, élu CGT d’Amazon Chalon-sur-Saône.
« On va vers des conflits générés par des situations ubuesques »
À la cantine de Lauwin-Planque, les places
assises sont encadrées de panneaux en Plexiglas, et leur nombre devenu limité
crée des tensions. « On va vers des conflits générés par des situations
ubuesques. Comme on doit être un seul par allée, lorsqu’on doit aller chercher
un produit là où il y a déjà un collègue, on se retrouve face à un risque de
sanction, dénonce Christophe Bocquet. Soit parce qu’on ne
respecte pas les consignes de sécurité, soit parce qu’on attend que l’autre
parte. » L’outil de contrôle des salariés détecte alors une pause non
autorisée. Pour plomber encore plus l’ambiance, Amazon a recruté des « safety
angels », des gardes-chiourmes chargés de surveiller et punir les salariés sur
le respect des consignes sanitaires. Comme beaucoup d’entre eux n’ont jamais
travaillé en entrepôt avant, ils ne connaissent pas les conditions de travail
et le nombre de conflits explose.
Face à cette situation inextricable, les syndicats
portent plusieurs revendications, comme le retour de la prime Covid de
2 euros de l’heure, qui n’a duré que le temps du premier confinement. Tous
insistent aussi sur le besoin de multiplier les petites équipes et les
aménagements horaires, pour échelonner les entrées et sorties. L’idéal
resterait de baisser la densité des travailleurs dans les entrepôts, mais
comment faire face alors à la demande croissante ? « Amazon a l’air
d’avoir déjà négocié avec le gouvernement. Ils limitent la propagande sur le
Black Friday, mais il n’y aura pas de réduction d’activité », regrette
un élu Solidaires. « Ce serait logique de ne traiter que les commandes
de produits essentiels, mais la direction nous a clairement dit que nous
n’étions pas concernés », renchérit Harold Propin. Christophe Bocquet enfonce
le clou : « C’est simple, hier, ma journée de travail a consisté à
mettre en stock des chariots remplis de livres. »

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