L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 1er octobre – par Patrick Le Hyaric.
L’appréciation
de la plupart des spécialistes converge : à la fin du mois d’octobre, il y
aura autant de malades en réanimation qu’au plus fort de l’épidémie au
printemps dernier. Sur fond de polémiques et de dissensions entre le pouvoir et
des collectivités locales, l’angoisse et le doute se répandent dans des pans
importants de la société. Les files d’attente devant les centres de dépistage
n’en finissent pas de s’allonger. Les standards des hôpitaux sont saturés. De
fait, la situation est sérieuse et préoccupante à un moment où une partie
importante du personnel soignant est épuisée.
Le risque
d’une conjonction entre la pandémie et la grippe ajoute encore aux inquiétudes
sur les capacités d’accueil et de soins des hôpitaux. Est-ce que la volonté de
préserver à tout prix la saison touristique n’a pas accéléré la circulation
vers les villes d’un virus trop peu connu ? Le Covid-19 a en effet cette
redoutable particularité de pouvoir être transmis par des personnes qui le
portent sans aucun symptôme. Pire, une personne porteuse devient le début d’une
chaine de transmission, puisqu’elle en contamine trois autres. C’est la raison
pour laquelle le corps médical plaide pour un dépistage rapide et systématique
de la population, en commençant par les EHPAD, les hôpitaux et les services
d’aides à domicile, tout en maintenant des protocoles sanitaires strictes.
Mais comme
pour la pénurie de masques il y a huit mois, la France a pris un considérable
retard dans la mise en place d’un dispositif efficace de dépistage permettant
d’identifier rapidement les personnes contagieuses. Le délai pour obtenir les
résultats des tests les rend peu efficaces. Des dizaines de milliers de tests
attendent dans des frigos d’être analysés tandis que les personnes positives
propagent l’épidémie sans le savoir. Il manque des machines, des réactifs. Et,
quand ceux-ci existent, il manque du personnel. Il est de même incompréhensible
que le gouvernement décide d’alléger les protocoles de protection dans les
écoles au moment où progresse la pandémie. Et, les décisions de restriction
sont prises sans décisions communes des élus locaux, des associations
professionnelles et des syndicats.
Autrement
dit, la santé n’est pas entre les mains des citoyens, mais bien entre celles
d’un pouvoir qui fait de l’activité économique sa priorité alors qu’il faudrait
rechercher les voies d’une combinaison entre sécurité sanitaire, vie sociale,
culturelle et besoins de la production, tout en engageant une réflexion sur la
nécessaire métamorphose de cette dernière.
Sans nier la
difficulté du combat contre ce virus agressif, il faut bien admettre que la
concentration du pouvoir entre quelques mains présidentielles, le refus de
créer une instance nationale de dialogue avec les représentants du pays et les
organisations syndicales, la subordination des décisions à un comité
scientifique au lieu d’une grande instance médicale déclinée dans chaque
département, empêche d’améliorer l’efficacité dans le combat actuel, tout en
menaçant des malades atteints d’autres pathologies de ne pas être soignés.
Le
désarmement de l’hôpital et du système de santé depuis plusieurs décennies au
nom d’une prétendue lutte contre les déficits publics a affaibli les défenses
immunitaires du pays, condamné aux pénuries perpétuelles avec, à chaque étape,
un train de retard sur le virus. 69 000 suppressions de lits, des milliers
de postes manquants se paient d’une lourde facture humaine qui pourrait demain
être qualifiée de non- assistance à personne en danger. A tel point que la
stratégie gouvernementale n’est plus fondée sur le nombre de malades mais sur
les capacités de réanimation des hôpitaux. Raison de plus de ne pas continuer
d’appliquer toutes ces politiques austéritaires qui provoquent insécurité
sociale et insécurité sanitaire. Le débat sur une nouvelle logique tournant le
dos au capitalisme devient urgent au nom même du devenir de notre civilisation.
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