jeudi 8 octobre 2020

« Tant que ça reste en famille », l’éditorial de Cédric Clérin dans l’Humanité de ce jour


Au gré des crises, ils sont nombreux, parfois parmi les plus inattendus, à fustiger le « capitalisme financier ». Mais cette formule contient une astuce. Accoler « financier » au capitalisme est une façon de ne pas condamner le système lui-même, mais sa version actuelle qui aurait été pervertie par la finance, par opposition au capitalisme d’avant, « à la papa », beaucoup plus vertueux, nous dit-on. Ceux qui croient s’en tirer à si bon compte devraient regarder un peu du côté de la famille Mulliez.

 

Voilà une entreprise comme ils les aiment : un capitaine d’industrie français, Gérard Mulliez, parti de peu et qui « offre » du travail à 500 000 personnes dans le monde. Presque un mécène. C’est aussi et surtout une entreprise familiale dirigée uniquement par des fils, des frères et des cousins. Rien à voir avec ces fonds de pensions apatrides qui ne pensent qu’au profit. Non ! Sauf que l’actualité récente invalide totalement, le roman guimauve qu’on veut nous servir. En 2020, c’est près de 3 000 emplois que devrait supprimer « l’Association familiale Mulliez », le joujou de la famille. Au milieu de cette saignée, l’exemple d’Alinea est édifiant : l’enseigne a été mise en liquidation par la famille sitôt le déconfinement décrété et rachetée par… les Mulliez. Au passage, 1 000 emplois ont disparu, les dettes annulées et 20 millions de PSE payés par la collectivité. Comble du cynisme, le groupe invoque le Covid, le mouvement des retraites et même les gilets jaunes pour expliquer ses difficultés. Et pourquoi pas la disparition des ours dans le Haut-Karabakh, tant qu’on y est ?

Un exemple qui n’est que le dernier épisode d’une saga où les salariés trinquent toujours et où les montages fiscaux opaques sont aussi nombreux que les billets dans la poche de la famille (fortune estimée à 25 milliards d’euros). Le tour de passe-passe d’Alinea aurait d’ailleurs été impossible sans une ordonnance du gouvernement. Celui-là qui jure vouloir réduire les méfaits du capitalisme « financier ». Un mot de trop.

 

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