Annoncée avec fracas cet été, la création de la cinquième branche ne dispose pas des moyens de ses ambitions dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale présenté mercredi.
Le grand marqueur social du quinquennat
d’Emmanuel Macron est en cale sèche. Le projet de loi de finances de la
Sécurité sociale, présenté ce mercredi en Conseil des ministres, a beau
claironner la création d’une cinquième branche consacrée à la prise en charge
de la dépendance et de l’autonomie, au vu des chiffres inscrits dans ce texte,
la grande ambition manque de moyens.
Le gouvernement avait pourtant tous les
outils en main pour connaître l’étendue des besoins. Selon l’Insee, les
Français en perte d’autonomie du fait du vieillissement de la population
passeront de 2,5 millions à quatre millions d’ici 2050. Pas moins de six
rapports commandés ces deux dernières années ont mis en lumière les moyens à
mettre en œuvre. Le rapport Libault de 2019 chiffre à neuf milliards d’euros
les financements nécessaires d’ici à 2024 et jusqu’à 2030. Le Haut Conseil de
la famille, de l’enfance et de l’âge recommande même d’ajouter
3,5 milliards dès maintenant pour soutenir l’aide et le soin à domicile.
Cet été, les ambitions gouvernementales
n’étaient déjà pas en rapport avec ces chiffres, puisque l’inspecteur des
finances Laurent Vachey avait été mandaté pour soumettre des solutions afin de
dégager « un milliard d’euros dès 2021 et 3 à 5 milliards à
horizon 2024 ». Mi-septembre, le haut fonctionnaire a bien suggéré dans son
rapport des pistes de financement. Mais ses propositions de tailler dans
certaines niches fiscales - notamment dans les crédits d’impôt pour l’emploi à
domicile ou les résidents d’Ehpad - et de ponctionner dans certaines
allocations ont fini de fâcher tout le monde. À tel point qu’Emmanuel Macron
s’est résolu, il y a quinze jours, à annoncer un énième report de sa réforme,
renvoyant à un baroque « Laroque de l’autonomie », sorte de vaste concertation
fourre-tout sur le modèle du Ségur de la santé, le soin d’ébaucher un projet de
loi pour début 2021.
Le projet de loi de finances de la Sécu
n’échappe pas à cette débandade générale. « Les 2,5 milliards de
’’mesures nouvelles’’ pour le soutien à l’autonomie représentent certes un
effort significatif mais correspondent pour les trois quarts au financement des
engagements pris dans le cadre du Ségur de la santé (+1,4 milliard pour
les personnels des Ehpad, 400 millions pour le médico-social) », note
la Fédération hospitalière de France. « Les autres mesures nouvelles,
chiffrées à 0,7 milliard, correspondent à des engagements antérieurs des
pouvoirs publics (convergence tarifaire pour le secteur personnes âgées et
plans nationaux pour le secteur personnes handicapées). » Les dépenses
pour les personnes âgées et en situation de handicap ne sont en fait augmentées
que d’un petit 0,8 %. Bref, la dèche pour le court terme et pas mieux
pour le moyen terme. Le gouvernement ne s’en cache pas. La trajectoire des
dépenses de cette branche autonomie pour 2020-2024 « ne prend pas en
compte l’effet démographique ni l’effet des mesures nouvelles qui pourraient
être décidées dans la prochaine loi grand âge et autonomie », note le
PLFSS.
Pour la CGT, ce projet de loi « confirme
les craintes déjà exprimées. D’une part, aucun financement nouveau n’est
dégagé. On opère simplement un transfert de ressources provenant pour
l’essentiel de la branche maladie. D’autre part, le fait que ce financement
repose à 90 % sur la CSG confirme la logique d’étatisation de cette
cinquième branche ». Le syndicat milite pour que l’autonomie relève de
l’assurance-maladie, avec un financement par la cotisation sociale.
Stéphane Guérard
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