Les nouvelles promesses de meilleure rétribution de
Jean Castex n’ont pas détourné la colère des personnels soignants, en grève et
en manifestation jeudi.
Des promesses, ils en ont eues. Et plus que de raison.
Le millier de manifestants aux abords du ministère de la Santé, ce jeudi à
Paris, n’ont donc pas exulté lorsque Jean Castex a annoncé au même moment des
nouvelles mesures en leur faveur. Cent à deux cents euros de compensation pour
les soignants contraints de faire une croix sur leurs vacances afin d’assurer
la continuité du service ? Le déblocage avancé de trois mois de la deuxième
moitié des 183 euros d’augmentation promis aux paramédicaux à l’issue du
Ségur de la santé ? « On n’a déjà pas reçu le premier versement. Il
nous était promis pour septembre. Maintenant on nous parle de fin octobre », ironise
Christelle.
L’infirmière à l’hôpital de Riom goutte peu la
plaisanterie de ce calendrier gouvernemental fluctuant au gré des pilules à
avaler. Elle, comme les collectifs et syndicats qui appelaient à la grève,
attendaient au moins 300 euros d’augmentation pour tous les
paramédicaux. « Quand je suis passée d’aide-soignante à infirmière,
j’ai dû abandonner toute mon ancienneté. Je suis repartie à 1 500 euros
pour un bac plus 3. Cette fois, on nous verse une prime qui ne compte même pas
pour la retraite », déplore cette soignante en service de cardiologie.
Mais si elle manifeste, ce n’est pas tant pour son pouvoir d’achat que pour la
possibilité même d’exercer son métier convenablement. « C’est la
désorganisation la plus totale. On devait assurer l’accueil des patients de
plus de 75 ans. Mais on a déjà des cas Covid plus jeunes dans nos
services », souligne-t-elle.
Désorganisation, manque de moyens, d’effectifs,
épuisement, management brutal… les maux dont souffrent les personnels de santé
sont connus depuis un an et huit mois que durent les mobilisations des
hospitaliers, rejoints par le médico-social. Mais tous les ingrédients du pire,
enduré lors du confinement, sont en place pour rendre infernale la deuxième
vague. « À Bourges, on n’était pas dans la région la plus touchée. Mais
je me souviendrai toute ma vie avoir dû mettre des gens tout nus dans des sacs
comme si on les jetait à la poubelle, glisse Valérie Martin,
infirmière à l’hôpital Jacques-Cœur. Actuellement, la moitié des 26
lits de notre service de maladies infectieuses est occupée. On tient. Mais sans
personnel ni médecin, comment va-t-on faire si on a besoin de plus de lits ?
Une nuit de la semaine dernière, il n’y avait plus de médecin. Les internes
géraient les cas les plus simples. Il fallait envoyer les autres à 40 km
de là, à Vierzon ou Saint-Amand. Mais aucun Smur (structure mob ile
d’urgence et de réanimation – NDLR) n’était disponible. »
« On tient pour les gens », sourit Florian, infirmier en médecine interne
venu de Toulon pour crier sa colère, deux ans à peine après avoir débuté le
métier. Non loin de lui, une de ses collègues a inscrit sur sa blouse blanche
« Ni bonne ni conne. 2008… 2020. J’arrête ». Gorge nouée, elle s’en remet à
cette inscription pour signifier sa fin de carrière inopinée. Frédéric, « aide
médico-psy » au CHU de l’Oise, pense lui aussi à tourner la page. « Je
me sens bafoué par tout ce que dit Macron, ou Castex. J’en ai assez de ne plus
pouvoir exercer mon métier, que les embauches ne viennent pas. Je n’ai eu ni
prime, ni augmentation. Je pense de plus en plus à changer de profession, à
aller ouvrir un petit restaurant-épicerie dans un coin de campagne. Il y a
pourtant de grands besoins. Mais la foi, je ne l’ai plus trop. »
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