jeudi 15 octobre 2020

En France, un état d’urgence sanitaire à n’en plus finir !


Lola Ruscio

Face au regain de l’épidémie, le chef de l’État a annoncé le retour du régime d’exception, propice à la restriction des libertés.

Après, avoir promis, ces derniers mois, vouloir sortir de l’état d’urgence sanitaire dès que possible, le chef de l’État a décidé, de manière autoritaire, de réactiver ce régime d’exception, qui permet au gouvernement et aux préfets de suspendre des libertés publiques et individuelles. Mercredi, quelques heures avant l’entretien télévisé d’Emmanuel Macron, le Conseil des ministres a décidé de rétablir par décret l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire pour une durée d’un mois. Il s’agit pourtant d’un dispositif juridique d’exception qui porte durablement atteinte aux libertés, comme l’ont déjà rappelé le Défenseur des droits et les associations de défense des libertés publiques.

 

Ce texte est officiellement destiné à appliquer les nouvelles mesures prises pour endiguer l’épidémie et signe le retour de l’état d’urgence sanitaire qui, après une dernière prolongation adoptée au mois de juillet dernier, devait progressivement s’éteindre avec la mise en place d’un régime transitoire censé se prolonger jusqu’au 1er avril 2021. Mais les annonces faites mercredi par le chef de l’État ont bouleversé le calendrier parlementaire. Tel un roi en son royaume, Emmanuel Macron a ainsi pu décider que le couvre-feu commencerait ce vendredi soir, et pas un autre jour, sans solliciter les parlementaires à ce stade. En l’état, le contrevenant au couvre-feu risque une amende de 135 euros, qui pourrait s’élever à 1 500 euros en cas de récidive.

 

Quelques heures avant l’intervention du président de la République à la télévision, le député PCF Fabien Roussel a vivement dénoncé ces méthodes autoritaires : « Nous apprenons qu’un décret en Conseil des ministres pour rétablir l’état d’urgence aurait été signé. Alors à quoi servons-nous ? S’il est temps de renforcer l’état d’urgence, de décréter un couvre-feu, cela ne peut pas se faire en catimini comme c’est le cas actuellement ! » Ce n’est théoriquement qu’au bout de quatre semaines que le Parlement pourra se prononcer sur l’état d’urgence sanitaire et le couvre-feu, en décidant ou non leur prolongement.

 

Mais cette mesure de restriction des libertés suscite de vives inquiétudes parmi les parlementaires. «  Le président de la République annonce quelque chose de très fort et les parlementaires n’en ont même pas discuté dans les minutes qui ont suivi. C’est très préoccupant », a-t-il déploré Alexis Corbière, élu FI, exigeant que «  le gouvernement et le premier ministre viennent au plus vite devant la représentation nationale ». Dans une lettre adressée au premier ministre, Valérie Rabault, présidente du groupe Socialistes et apparentés, et Patrick Kanner, chef du groupe Socialiste, écologiste et républicain, ont demandé à Jean Castex de faire une déclaration devant le Parlement, « suivie d’un débat ».

 

Sur Twitter, le sénateur LR Philippe Bas a d’ores et déjà averti qu’il « serait inexplicable que le Parlement ne se prononce pas sur des mesures aussi graves, qu’il les valide ou qu’il les rejette ». Et d’ajouter : « L’atteinte à la liberté n’est légale que si la circulation de nuit multiplie les contaminations. Difficile à démontrer ! L’objectif indirect d’empêcher les réunions privées est-il suffisant pour justifier une mesure si restrictive ? Le débat est nécessaire ! »

Suspense pour les élections régionales et départementales

Les candidats commencent à se déclarer, mais les élections régionales et départementales n’auront peut-être pas lieu comme prévu en mars. « On a décidé de mettre en place une commission qui va associer l’ensemble des forces politiques, avec un éclairage sanitaire, pour regarder quand on peut (les) tenir », a annoncé jeudi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, sur Franceinfo. « Il faut que la décision soit prise avant que la campagne officielle commence, donc à la fin de l’année, début d’année 2021 », a-t-il précisé, insistant sur la volonté de l’exécutif d’aboutir à un « consensus » après la polémique suscitée par le maintien des municipales en mars. De son côté, le premier ministre, Jean Castex, a confirmé la mise en place de cette commission, « à la demande du président de la République »« Le gouvernement sera extrêmement vigilant à ce que l’organisation des élections et de la campagne se fasse dans des conditions sanitaires exemplaires », a-t-il insisté, alors que des élus locaux font entendre leur doute sur la pertinence de maintenir le scrutin.

 

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