En ces mois de septembre, octobre 2020, ce qui voyage entre le Chili et la France, ce sont les révoltes, les visages, les images de l’Histoire. Les lettres de Gemita racontent les souffrances d’une famille ordinaire du quartier de Puente Alto à Santiago, son fils de 18 ans, prisonnier comme des centaines d’autres, en attente d’un procès où la peine requise de dix ans rend le réel absurde. Manque de ressources, la faim qui menace. Pourtant, pas une plainte, l’espoir entre les dents, et la force pour continuer, malgré la fatigue. Gemita n’est pas seule, elle n’éveille pas la pitié, elle est ma sœur, elle exige du respect.
« Lutter, jusqu’à ce que la dignité
devienne la norme. » Ce cri de ralliement résonne dans
les places et les rues du Chili. L’imprévisible de l’histoire, le soulèvement
populaire du 18 octobre 2019, des millions de gens dans les rues. Et
nous, vieilles dames indignes et mémoires vives d’un soulèvement passé,
embarquées par la performance contestataire du collectif féministe Las Tesis, « un
violeur sur ton chemin », nous avons, dansé et chanté par milliers devant
le Stade National. La jeunesse féministe donne la couleur, sa poétique à la
révolte actuelle.
La rébellion citoyenne et populaire s’est
répandue tout au long du Chili, cinq mois d’agora et de manifestations. Gemita
s’enchante au souvenir de ces nuits étoilées, son collectif des mères des
prisonniers, né en novembre 2019 face aux violences policières, s’est replié
depuis avril dernier dans les quartiers populaires. Elles organisent les soupes
populaires, fabriquent les masques et prennent soin des anciens. La solidarité
tisse les liens, à rebrousse-poil de l’offensive médiatique et policière du gouvernement
de droite. Le pouvoir tremble. Mais il s’est saisi de la pandémie pour nettoyer
les villes. Entre couvre-feu et répression, il tente de réinstaurer la peur.
Eux, ils sont peu et très organisés. Nous, nous sommes très nombreux et il nous
faut nous assembler.
Le peuple en lutte a arraché le référendum du
25 octobre qui peut mettre fin à la Constitution de la dictature. Cette
victoire, les puissants cherchent à l’anéantir, entre manipulation politique et
campagne de désinformation. Le référendum n’est pas une fin en soi, c’est le
premier pas d’une longue bataille politique. Ce n’est pas la fin de l’histoire,
bien sûr. Aujourd’hui dans le monde, l’infini est du côté des pauvres.
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