Pénuries de tests, impréparation des hôpitaux,
non-report des municipales… devant les députés, l’ancien premier ministre s’est
dédouané de toute faute dans la lutte contre l’épidémie et a soigneusement
évité les questions qui fâchent.
« Nous
nous sommes efforcés, tout au long de la crise, de réagir aussi vite que les
informations et les certitudes remontaient. » Interrogé mercredi par
la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la gestion de l’épidémie
de coronavirus, l’ancien premier ministre Édouard Philippe a défendu son bilan
avec assurance, sans oublier d’esquiver les questions les plus déstabilisantes.
Date par date, l’actuel maire du Havre a assuré que son gouvernement avait, dès
début janvier, conscience du potentiel danger à venir et a immédiatement
déclenché le plan pandémie, prévu pour la grippe mais qui a été suivi à la
lettre, « à une différence très nette, c’est que nous ne sommes jamais
entrés dans ce que la phase 3 du plan impliquerait, avec notamment l’abandon
des tests ». Ce qui est faux. Car c’est bien en s’appuyant sur ce
programme qu’il a expliqué, tout le mois d’avril, qu’il n’était « pas
utile, en phase 3, de dépister massivement la population », malgré les
recommandations de l’OMS. Une manière alors de justifier la très faible
capacité de dépistage de la France jusqu’en mai.
L’une des raisons de ce retard accumulé
dans la politique de dépistage est d’avoir mis plus d’un mois à autoriser
certains laboratoires, comme les laboratoires vétérinaires, à dépister.
L’ancien premier ministre l’explique par la nécessité de modifier les
règlements et « parce que, en matière sanitaire, quand on ne respecte
pas une norme écrite, vous vous exposez immanquablement à un risque
pénal ». Cette responsabilité du gouvernement, Édouard Philippe l’a
fustigée devant la commission d’enquête : « Vous devriez réfléchir à
ça. Si vous voulez faire en sorte que les échelons politiques et administratifs
soient moins réactifs, faites en sorte qu’à chaque élément, il y ait un
risque pénal associé. »
Habile, il reconnaît avoir « commis des erreurs »
Une sortie opportune de la part de celui
qui a été perquisitionné la semaine dernière, dans le cadre de l’enquête de la
Cour de justice de la République. Une instruction qui s’intéresse
particulièrement à la question de la pénurie de masques. Sur ce point, l’ancien
premier ministre s’est totalement dédouané, affirmant s’être reposé sur
l’administration. Sur ses déclarations au sujet de l’utilité des masques, il
reconnaît avoir « commis des erreurs. Mais si (il) a dit que le port du
masque en population générale n’avait aucun sens, c’est parce que les médecins
(le) lui disaient et que la doctrine n’a évolué que bien après ». Nouvelle
approximation, puisque, lors de sa dernière déclaration en ce sens, le
1er avril, des études affirment déjà le contraire, et Jérôme Salomon,
directeur de la Santé, annonce le changement de doctrine dès le 3 avril.
Habile, Édouard Philippe n’a cessé de
détourner les sujets qui fâchent, arguant avoir toujours fait au mieux en
fonction des informations qu’il détenait. Autre exemple, l’ex-premier ministre
a longuement expliqué pourquoi le premier tour des municipales n’a pas été
reporté, avançant que, lorsque la question s’est posée, le jeudi
12 mars, « aucun consensus politique n’existait et il y avait un
risque, pour une démocratie, de décider seul du report d’un scrutin trois jours
avant. Nous pouvions déclencher une crise politique alors que s’annonçait la
crise sanitaire ». Mais alors, pourquoi ne pas avoir abordé la
question du report du scrutin beaucoup plus en amont avec les différentes
forces politiques, alors qu’Agnès Buzyn assure l’avoir demandée à plusieurs
reprises dès le 30 janvier ?
Édouard Philippe n’a pas répondu à cette question
devant la commission d’enquête parlementaire, tout comme sur l’impréparation de
l’hôpital public, à la fois pour la première et la seconde vague d’épidémie,
malgré les interrogations des députés.
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