Des mains qui se glissent dans la culotte d’adolescentes, un sein « palpé comme de la pâte à modeler », des caresses dans le huis clos d’une salle de conservatoire. Mais aussi une loi du silence pesante comme une chape de plomb, une impunité écœurante de mâles tout-puissants. Les témoignages que nous révélons aujourd’hui dans nos colonnes ouvriront, espérons-le, un nouveau chapitre dans la dénonciation des violences sexuelles dont sont victimes les femmes. Cette fois, ce n’est pas le milieu clinquant du cinéma qui est visé. Mais celui beaucoup plus feutré et compassé de la musique classique. Las, le décor n’y change rien. Que ce soit sur un plateau de tournage ou dans les coulisses d’un orchestre, les mêmes mécanismes de domination patriarcale et de violence s’y répètent, ainsi que leurs corollaires de souffrances, parfois de vies brisées.
Notre enquête, qui s’inscrit dans le
sillage du mouvement #MeToo, démontre, s’il le fallait encore, le caractère
systémique de ces agressions à répétition et de leur dissimulation. À l’image
d’autres milieux professionnels, celui de la musique classique reste marqué par
une certaine misogynie et une omerta pesantes. Surtout lorsqu’on gravit les échelons
du pouvoir. La plupart des compositeurs, des chefs d’orchestre, des
professeurs de conservatoire, des directeurs de salle ou d’opéra sont des
hommes. Postes-clés dont dépendent des carrières entières. Et face
auxquels il n’est jamais simple, pour des victimes parfois dans une relation
d’emprise maître-élève, de s’élever ou d’alerter sans craindre l’indifférence,
l’isolement, voire le bannissement.
Cet engrenage infernal est bien connu depuis l’affaire
Weinstein. Le combattre, passe évidemment par cette libération de la parole,
par des suites judiciaires systématiques, par une prévention sérieuse et
constante. On le sait. Mais également par une prise de conscience
politique plus globale – et bien plus profonde qu’aujourd’hui – des mécanismes
patriarcaux qui gangrènent nos sociétés jusque dans leur création artistique.
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