La lutte des Bridgestone est symbolique, non pas à cause des images chocs d’une lutte déterminée. Elle est emblématique parce qu’elle montre comment les possédants apprennent de l’histoire. Les précédents de Continental ou Goodyear les ont instruits. Changement de méthode : plus de fermeture brutale, mais un dépeçage petit à petit d’une usine pour enfin conclure qu’elle n’est plus assez compétitive. Chez Bridgestone, ce sont au moins six ans de travail de sape. Injecter ce poison à dose lente permet de faire monter d’un même mouvement la résignation, faire croire à la fatalité chez les salariés et jusque dans le bassin local.
Or, chez Bridgestone, comme dans bien des
cas de fermetures d’usines, il n’y a aucune fatalité. Y a-t-il des besoins de
pneus en France ? Évidemment oui. Il y a même de nouveaux besoins dans des
formats que ne couvre pas l’usine de Béthune, ce que la direction sait
parfaitement. L’entreprise a-t-elle les moyens d’investir ? Assurément, puisque
300 millions l’ont été en Pologne et en Hongrie. Les pouvoirs publics
sont-ils prêts à suivre ? L’ensemble des responsables politiques le clament sur
tous les tons. Et c’est là l’autre enseignement de cette crise. Si Bruno Le
Maire ou Xavier Bertrand trouvent la décision de l’équipementier « révoltante », n’est-ce
pas parce qu’elle invalide la stratégie des cadeaux aux entreprises qui prévaut
depuis trente ans ?
Le rôle du politique sera décisif pour sauver Bridgestone
et les autres : établir une stratégie industrielle pilotée par les pouvoirs
publics et non plus par les industriels privés. Prendre le contrôle des
entreprises autant que nécessaire. Rompre les accords de libre-échange qui
encouragent le dumping comme celui de Bridgestone. Agir pour que l’Union
européenne ne soit plus un accélérateur de délocalisation, mais la force qui
porte la renaissance de l’industrie verte de demain. Voilà ce que devraient
faire nos gouvernants entre deux larmes de crocodile.
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