Les élections sénatoriales se tiennent dimanche. La présidente du groupe communiste, Éliane Assassi, revient sur les enjeux de ce scrutin. Entretien.
Vingt ans après le référendum sur le quinquennat, à quoi sert le Sénat ?
ÉLIANE ASSASSI C’est toujours l’une des deux
chambres qui votent la loi et contrôlent le gouvernement ! Bien sûr,
l’Assemblée nationale a le dernier mot. C’est logique puisqu’elle est élue au
suffrage universel. Et le Sénat entretient toujours une approche plus fine dans
sa relation aux collectivités locales. Mais il est aussi devenu une sorte de
contre-pouvoir. C’est bien sûr dans un contexte où la majorité LR du Sénat
affronte la majorité LaREM de l’Assemblée, ne soyons pas naïfs. Mais on peut
dire que le bicamérisme a retrouvé du sens : l’Assemblée est de plus en plus
soumise à l’exécutif, et le Sénat peut jouer un rôle de garde-fou. Nous l’avons
vu sur le projet de réforme constitutionnelle et lors de l’affaire Benalla.
Mais, d’évidence, nous, les communistes, avons deux adversaires au Sénat : la
Macronie, qui dépose les projets de loi, et la droite, qui les réécrits dans un
sens qui n’est pas le nôtre et qu’il faut combattre.
Quel est justement le rôle du groupe communiste ?
ÉLIANE ASSASSI Il est toujours utile d’avoir des
élus du local au national pour porter la voix des luttes, des citoyens et des
collectivités locales. Nous forçons les débats, imposons des questions sur le
monde du travail, les libertés collectives, l’écologie ou encore la fraude
fiscale. Nous avons des textes qui ont été adoptés lors de beaux combats, comme
la hausse des APL et la revalorisation des retraites agricoles. Nous sommes un
peu les trublions de cette chambre, car nous cherchons toujours à mettre en
avant des causes que le Sénat préférerait ignorer. Nous avons été très actifs
l’an dernier, lors de l’immense mobilisation pour l’avenir d’Aéroports de
Paris, qui a rassemblé plus d’un million de signatures. Les communistes ont
prouvé qu’ils savent réunir toutes les familles politiques pour défendre un
équipement stratégique au cœur des questions d’emploi, de souveraineté, d’aménagement
du territoire, de comptes publics et d’écologie. Plus récemment, nous avons
déposé deux propositions de loi : l’une pour réduire les inégalités d’accès au
numérique, l’autre pour créer un pôle public du médicament assurant à la fois
la production et le contrôle des prix.
Le Sénat est souvent présenté comme la chambre qui défend les territoires.
Est-ce vraiment le cas ?
ÉLIANE ASSASSI Il y a des postures sur cette
question. Nous sommes en complet désaccord avec LaREM et la droite sénatoriale
sur le projet de différenciation territoriale. Cela va conduire à terme à la
création d’un État fédéral et à une rupture d’égalité devant la loi. Tout le
monde parle en ce moment des « territoires ». LaREM et LR ont tous ce mot à la
bouche. Mais ils sont en train de déployer une stratégie sémantique pour ne
plus parler des communes et des départements, et encore moins de leurs
compétences et de leurs moyens propres pour développer des politiques locales
au service des citoyens. C’est une façon de revenir sur l’article 1 de la
Constitution qui dit que la République est une et indivisible.
Quels sont vos objectifs pour les sénatoriales de dimanche ?
ÉLIANE
ASSASSI Nous entendons conserver nos sièges
en Seine-Maritime avec Céline Brulin et dans les Côtes d’Armor avec Gérard
Lahellec. Nous attendons aussi de bonnes nouvelles des Bouches-du-Rhône, où
Jérémy Bacchi conduit la liste de rassemblement de la gauche. Des surprises
peuvent enfin venir des Alpes-Maritimes, des Alpes-de-Haute-Provence, de
Dordogne, du Rhône ou du Finistère, où les communistes sont reconnus comme des
élus de terrain combatifs, constants et cohérents. Au final, la droite va
gagner, ce n’est pas un suspense. Il y aura une possible recomposition au
centre-droit et un retour du groupe EELV. Nous avons, quoi qu’il arrive, hâte
d’en découdre sur le budget et celui de la Sécurité sociale, forts de notre
propre plan de relance composé de 117 propositions. Nous sommes ici en phase
avec l’opinion publique, que ce soit sur le conditionnement des aides publiques,
l’hôpital, les retraites ou la gratuité des masques.
AurÉlien soucheyre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire