En 2000, les Français approuvaient par référendum le passage du septennat au quinquennat. Vingt ans plus tard, la prophétie de ses détracteurs s’est réalisée : les pouvoirs sont déséquilibrés au profit d’une présidence hypertrophiée.
C’est une des pires réformes de l’histoire
constitutionnelle contemporaine qui a fêté ses 20 ans, jeudi. Le
24 septembre 2000, les électeurs français étaient invités aux urnes pour
répondre à la question suivante : « Approuvez-vous le projet de loi
constitutionnelle fixant la durée du mandat du président de la République à
cinq ans ? » La suite est connue : une large victoire du oui, à 73 %,
mais surtout une très forte abstention, à 69,8 %. Il aura donc suffi
d’environ 7,4 millions de voix (sur 39 millions d’inscrits) pour que
la Ve République change de visage et bascule un peu plus dans
l’hyperprésidentialisation.
Loué comme une manière d’adapter le rôle
du président à une temporalité politique qui s’accélère, le quinquennat produit
son hypertrophie. Car, derrière le passage au mandat de cinq ans, il y avait
surtout un autre projet politique : l’inversion du calendrier électoral, pour
que les élections législatives se tiennent dans la foulée de la présidentielle,
actée par une loi de 2001. La présidentielle devient l’élection nationale qui
conditionne tous les autres scrutins. Le but : enterrer toute cohabitation avec
une majorité parlementaire élue sur le nom du vainqueur. Mais, dans la
manœuvre, c’est surtout le pouvoir de l’Assemblée qui finit dans le cercueil.
Une abstention majoritaire
Le quinquennat aurait certes pu accoucher
de tout autre chose, si le calendrier avait été maintenu. Des législatives à
mi-mandat permettraient, par exemple, de sanctionner ou d’avaliser la politique
du président. « La réforme de 2000 seule ne suffit pas à expliquer
l’évolution du régime. La clé de l’hyperprésidentialisation, c’est l’inversion
du calendrier électoral, confirme Lauréline Fontaine, constitutionnaliste à
la Sorbonne Nouvelle-Paris-III. Le président a son nez partout, dès
lors que les calendriers législatif et présidentiel se confondent. »
Une omniprésence présidentielle encore plus frappante sous Nicolas Sarkozy et
Emmanuel Macron, qui en ont fait une marque de fabrique. Cela n’a pas échappé
aux détracteurs de la Ve République. Les critiques répétées contre le
régime, qu’elles soient portées par les promoteurs d’une VIe République
davantage parlementariste ou par les gilets jaunes, à travers le référendum d’initiative
citoyenne, vont dans le sens d’un rééquilibrage des institutions.
À l’origine du « péché originel », le
premier ministre Lionel Jospin, alors en cohabitation avec Jacques Chirac. Le
contexte penche en sa faveur : 71 % des Français, lassés des cohabitations,
sont favorables au quinquennat, selon un sondage de l’été 1999. Le chef de
l’État finit par plier et prend l’initiative d’un référendum, pour donner
l’impression que Lionel Jospin a eu le dernier mot sur ce dossier. Pourtant le
président redoute que cela renforce la présidentialisation du régime. En
porte-à-faux, le PCF fait campagne sur le thème de « l’abstention
critique et active », selon la formule du secrétaire national de l’époque,
Robert Hue.
Si l’abstention s’est en effet avérée majoritaire, la réforme,
elle, a produit ses effets délétères. « S’il fallait légiférer à
nouveau, la première chose à faire serait de remettre les législatives au cœur
de la vie politique française, au-delà de la question de la durée du mandat »,
juge la sénatrice PCF Éliane Assassi.
Cyprien Caddeo
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