Dans son rapport sur les dépenses de la
présidence de la République, la Cour des comptes se contente d’adopter une
posture descriptive. De quoi inquiéter René Dosière, spécialiste de la
question, sur une possible « régression ».
Comme le veut la règle depuis onze ans, Pierre Moscovici, nommé fin mai à
la tête de la Cour des comptes, a adressé à Emmanuel Macron, le
29 juillet, son rapport annuel sur « les comptes et la gestion des
services de la présidence de la République ». Un dossier où est épluché,
point par point, le budget du Château, qui s’élevait, en 2019, à
105,5 millions d’euros. Ce rapport a mis en colère René Dosière, ancien
député PS et fin observateur du train de vie de l’État. « La Cour des
comptes se contente de décrire la situation budgétaire, sans analyse
approfondie. Auparavant, les magistrats allaient plus loin en formulant des
critiques et des suggestions quand les situations n’étaient pas normales. Comme
pour l’affaire des sondages de l’Élysée où Claude Guéant est mis en cause »,
regrette-t-il.
Une observation d’autant plus inquiétante que la commission des Finances de
l’Assemblée nationale, autre organe chargé de contrôler la transparence
budgétaire de l’Élysée, produit depuis 2017 des rapports bien trop
bienveillants. « Celui publié en octobre 2019 était nul ! Les trois
quarts des éléments étaient un copié-collé de la présentation officielle du
budget », s’agace René Dosière. Ce spécialiste de la gestion des finances
publiques – auxquelles il a consacré « dix ans » de sa vie de
député – craint une « régression » dans le contrôle qui ferait
que « les médias ne peuvent qu’exposer la version officielle ».
Se pose alors une vraie question démocratique. L’Élysée étant le cœur du
pouvoir, il apparaît légitime de contrôler ses livres de comptes et ce qui est
fait avec l’argent des contribuables. Et le fait que les dépenses du Palais ne
pèsent presque rien dans le budget de l’État (en moyenne 7 centimes pour
1 000 euros de dépenses) n’est en rien un argument valable pour René
Dosière : « Quand je parle d’exemplarité, ça veut dire que l’Élysée
doit respecter les procédures et éviter les dépenses inutiles, même si elles
sont modestes. » Jusqu’en 2008, ce n’était pas le cas. « À
l’époque, on ne savait pas à l’Élysée ce qu’était un appel d’offres »,
ironise l’ancien élu qui pointe des éléments sensibles sur son blog.
L’un d’entre eux concerne le parc automobile de la présidence. En 2018, les
dépenses avaient augmenté de 27 %, notamment en raison de la nécessité de
refaire le blindage des voitures. L’année suivante, elles ont augmenté avec la
même proportion, sans que la Cour des comptes n’en donne d’explication.
Plus problématique : les dépenses de protection juridique. « La présidence
prend en charge les frais d’avocat liés à la protection juridique des
fonctionnaires ou contractuels qui en font la demande, en raison de leur mise
en cause dans le cadre de leurs fonctions. (…) Les dépenses de protection
juridique fonctionnelle effectivement acquittées se sont élevées à
159 766 euros contre 2 352 euros en 2018 », note le rapport de la
Cour des comptes, qui ne précise pas les 14 affaires concernées. Il a
fallu attendre une enquête de France Inter pour savoir que le Palais présidentiel,
en adéquation avec la loi, paie les frais d’avocat de deux anciens
collaborateurs de Nicolas Sarkozy : Claude Guéant et Emmanuelle Mignon. « Or,
il faudrait que la loi précise que si des fonctionnaires de la présidence sont
condamnés, par exemple pour détournement de fonds publics, ils doivent
rembourser le contribuable », suggère René Dosière.
Autre fait relevé, de façon uniquement descriptive, par les magistrats de
la rue Cambon : l’Élysée ne respecte pas le quota de 6 % de personnes
handicapées dans ses effectifs. Seuls huit agents sont détenteurs d’une
reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour un total de 779
(325 militaires et 454 civils). La présidence ne donne pas plus corps
à l’égalité femmes-hommes, pourtant qualifiée de « grande cause du
quinquennat ». Le Château ne compte que 30 % de femmes dans son
personnel.
« Ce serait le rôle des parlementaires de
se saisir de ces données pour demander des explications, estime René
Dosière. L’Élysée a pris l’habitude de répondre aux questions mais ne
va pas encore jusqu’à répondre aux questions qu’on ne lui pose pas… » Or,
contre l’usage, c’est un député de la majorité qui s’occupe désormais des
rapports à l’Assemblée.
Emilio Meslet
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